Nora Kamm au centre des congrès à Saint-Quay-Portrieux, le 29 décembre 2023
michel
Second diptyque des concerts de fin d'année à Saint- Quay- Portrieux, une collaboration ville de Saint-Quay/Jazz ô Château, et un programme de choix puisque la saxophoniste, flûtiste, compositrice, chanteuse et cheffe d’orchestre Nora Kamm est invitée à se produire au centre des congrès, qui affiche presque complet ce vendredi soir.
Après un double discours introductif, celui du très actif maire de la station balnéaire, suivi par un duo représentant Jazz ô Château, la nouvelle présidente, Sylvie Adèle Guillemy et son prédécesseur, Benoît Petit, qui en profitent pour lever un coin du voile sur la programmation du festival 2024, ( on divulgue un nom: Robin McKelle), Nora Kamm ( resplendissante) and band se présentent.
Nora Kamm naît à Frankfurt am Main de parents musiciens amateurs, à 6 ans, elle joue de la flûte à bec, passe à la traversière, puis découvre le saxophone, elle intègre die Frankfurter Bläserphilharmonie, avant de boucler sa valise et de mettre le cap sur la France, d'abord à Lyon puis à Paris.
Dans ce beau pays, elle rencontre pas mal de gens intéressants, joue aux côtés de pointures: Andy Sheppard, Cheick Tidiane Seck, Manu Dibango, Mariana Ramos, Pascal Obispo, enregistre deux albums avec le groupe Dreisam, collectionne quelques prix, court les festivals de jazz aux quatre coins du vieux continent et enfin, grave l'album 'One'.
C'est le premier album sous son nom et comme le chantait Lennon, the world will live as one, "One" marque l'unité des différentes cultures existant en ce bas monde, en bannissant les frontières.
Pour la seconder ce soir, des cracks: le bassiste malgache Ranto Rakotomalala ( Anisha Jo, Joel Rabesolo Trio, Thomas Pitiot, Mangane, etc...) qui l'accompagne sur scène depuis 3 ans déjà , et deux musiciens qui montent pour la première fois sur scène avec elle: aux claviers/synthés, Eli Frot ( Echoes Of, Trilili Ladies, Kyoto Jazz Massive, Nouveau Fou, Tiwayo...) et Kevin 'Kikoué' Ki (Angèle, Crystal Murray, Trouss ça ..) aux drums et programming.
Intro claviers/drums, puis la basse ( 5 cordes) se fait entendre et enfin, le sax alto de la blonde néo-parisienne rejoint ses partenaires pour la déclaration d'amour ' Africa my love'.
Un nom s'impose à pas mal d'entre nous: Manu Dibango., alias Papa Groove.
Car la soirée est placée sous le signe de la fusion, de l'Afro jazz et du groove bouillonnant.
Il n'aurait pas fallu longtemps au public pour comprendre que la saxophoniste ne joue pas la carte de l'individualisme à outrance, elle laisse respirer ses musiciens qui, à tour de rôle, improvisent des arabesques gracieuses, expressives, sinueuses ou audacieuses selon les besoins de la composition.
Eli est le premier à se lancer dans une aventure solitaire, son laïus au Nord Stage, piqué de pointes au polyphonic Sequential Synthesizer , a frappé les imaginations, en évoquant à la fois Joe Zawinul ( Nora ne cache pas son admiration pour Weather Report) , Jozef Dumoulin ou Chick Corea.
One, two, three, lance Kikoué pour amorcer 'Light', la basse, aux sonorités Stanley Clarke, bourdonne avant de dialoguer avec l'alto, et pendant cinq minutes une lumière éblouissante illumine la salle.
Nora délaisse son sax pour expliciter les fondements de son jazz, ses influences, la place prise par les rythmes en provenance du Cameroun prime. Pour illustrer son propos, elle soumet ' Tu ma ndem' ( c'est de l'igbo) , un morceau lyrique, amorcé aux keys, qui accélère lorsque Kikoué pousse sur le champignon, le tempo, syncopé, incite Nora à entamer un pas de danse rituel avant une envolée au synthé qui prend des teintes Fender Rhodes.
C'est dur de rester assis pendant ce truc vachement effervescent, Nora, du reste, s'étonne de la relative passivité du public et l'incite à venir occuper les places réservées aux édiles, mais restées vacantes, face à la scène.
Aussitôt quelques dames alertes, ayant compris le signal, s'installent à un mètre du podium.
Message pour la table, un peu plus de reverb sur le sax, please!
Yes, ma'am'.
La basse vrombit et introduit 'Flowing people' , un jazz funk redoutable pour lequel Nora a opté pour un sax soprano qui glisse astucieusement sur le rythme syncopé, distillé par ses comparses. En vue du terme, la séduisante musicienne entame un chant en onomatopées, tandis que la chorale mi-bretonne, mi- sénégalaise, de Saint-Quay se joint à elle pour conclure l'incantation.
Pause!
Acte 2
Elle ouvre son ' Coeur' pour entamer la seconde mi-temps. Le muscle bat aux généreux rythmes africains, les pulsations n'indiquent aucune menace de tachycardie, tout coule de source, basse et percussions donnent le ton, les claviers jouent à l'équilibriste, tandis que l'alto, tantôt serpente indolemment ou papillonne capricieusement.
Le coeur est mis au repos, la troupe entame un rondo, ' Leader'.
Nora a troqué le saxophone contre une flûte traversière , ce qui donne une couleur Herbie Mann à cette allègre composition.
On arrive au titletrack de l'album, 'One', à l'intro majestueuse. Kikoué, chargé du programming, lance une séquence kora, cristalline, Nora entame un chant africain mélodieux, le public est invité à l'accompagner, le rythme accélère, tu n'as qu'une envie te laisser emporter par la vague pour chalouper sur les sonorités métissées, mandingues et jazz fusion.
Le midtempo 'First Flight' fait à nouveau appel au chant en onomatopées africaines, une spécialité de Zap Mama, qui s'élève haut dans les cieux, le sax, élégant, lui aussi décolle et le synthé, à l'arrière, bricole un fond aérien décoratif jusqu'à l'atterrissage.
Il n'en reste qu'une, je la joue si tout le monde se lève et danse.
La menace ne sera pas mise à exécution , car une grande partie du public, la nouvelle présidente de Jazz ô Château en tête, a trémoussé plus ou moins esthétiquement sur le punchy 'Chuku Chuku' .
Grosse ambiance, assistance euphorique qui a continué à frétiller sur le bis torride, 'Africa my love'.
File au stand merch où Nora signe ses albums, un sourire éclatant se lit sur le visage des responsables de Jazz ô Château.
Nora Kamm retrouve la scène le 20 janvier lors du Festival Jazz à Saint Sat ( Saint-Saturnin, en Charente ).