CATFISH : Espace Culturel Jean-Jacques Robert, Mennecy (91), France, 2020.02.07.
Mitch ZoSo Duterck
C’est toujours la même chose, je ne sais pas si tu as remarqué Ô lecteur fidèle et averti (comme l’était Jean-Christophe) mais en ce qui me concerne, quand je pars en expédition, le sommeil a toujours tendance à me fuir. Déjà qu’en temps normal il me fait franchement la gueule, la veille d’un concert, il ne prend même plus la peine de partager ma chambrée.
Alors tu tournes et te retournes sur toi-même comme un chien qui va se poser dans son panier, sauf que lui, deux minutes après : il dort ! Tandis que toi, nada.
Alors, comme Pascal, tu ouvres la porte à tes pensées que tu laisses s’échapper, pets discrets de l’esprit qui éclatent en presque-silence devant tes yeux rougis de fatigue comme les bulles de savon que tu créais de ton souffle innocent lorsque tu étais gosse. Allez, dis-toi que ce sera déjà ça de moins à porter dans quelques heures.
Je te fais donc grâce de ces quelques heures creuses, sache seulement que j’ai retrouvé mon pote Cédric en gare de Namur, capitale de la Wallonie, je précise pour les lecteurs français de cet article qui ne sauraient pas où ça se situe. Et le premier qui ajoute « une fois » s’en prend une dans les dents, la Belgique ne se limite pas à cet accent particulier et tellement mal imité, d’un quartier de Bruxelles circonscrit par quelques rues populaires qui font partie de notre patrimoine national sans être toutefois « le » représentant exclusif de notre belgitude.
Arrivée gare de Bruxelles-Midi, Brussel-Zuid, Brüssel-Züd (ça aussi c’est la Belgique) à la fois francophone, néerlandophone (on ne dit pas flamandophone) et germanophone. Direction : le Thalys pour Paris Nord. Oui on voyage en train et en 1ère classe en plus, normal pour des employés de la SNCB (les français remplacent le « B » par un « F ») ça y est ?
Un repas, une sieste et un Uber plus tard, nous rejoignons notre pied à terre à Mennecy (Essonne). Un coup de téléphone (Essonne) à notre ami Laurent nous apprend que le rendez-vous est prévu à 14.00 à l’espace Jean-Jacques Robert, lieu du concert.
Retrouvailles sur place avec nos amis du Deborah Bonham Band.
Les balances se déroulent super bien et le repas qui suit n’est pas pour nous déplaire non plus. Par contre le rouge est du gros rouge qui tache, du genre à trouer les jeans si tu renverses même par mégarde. C’est là que nous apprenons qu’il y a un groupe de première partie ce soir. Catfish, ils s’appellent ! Connais pas, mais si une filiation, même lointaine, existe avec le « Catfish Blues» de Jimi Hendrix, je serai déjà bien content. On verra ça dans quelques heures.
Quelques heures plus tard, donc, nous découvrons avec surprise et ravissement ce surprenant trio jurassien originaire de Le Frasnois. Et la filiation Blues tant souhaitée est bien présente. La Gretsch White Falcon de Damien ne manque jamais une occasion de trancher l’espace musical du groupe d’un riff acéré qui étincelle comme un éclair dans la nuit noire d’un orage d’été, lorsque la terre fumante libère la lumière qui monte vers les profondeurs de l’espace. C’est toujours surprenant de voir comme les choses qui te sont familières prennent soudainement un autre aspect, un autre visage, lorsqu’elles ne sont révélées que l’espace d’une seconde par une lumière froide qui n’en montre que certains aspects.
La musique de Catfish, c’est un peu ça, tu sens le blues toujours bien présent, le blues des origines, celui des débuts, celui du Delta, des temps immémoriaux, celui de Robert Johnson, de Memphis Minnie, de Sonny Boy Williamson et de Kansas Joe McCoy. Le blues de la tradition orale, celui qui ne s’écrit pas, parce qu’il se vit et mute avec l’histoire de ceux et celles qui le portent en eux et le chantent. Et c’est ce que fait à merveille Amandine, la blonde narratrice qui tient sans aucune peur le centre du plateau. Chose assez rare que pour être signalée, elle chante sans l’accent marqué qui distingue généralement, sans pouvoir s’y méprendre, les représentants de l’hexagone lorsqu’ils s’essayent à la pratique de la langue de Shakespeare, ici, c’est parfait ! Quant à la voix, il y a ce côté rauque à la Beth Hart et cette folie qui rappelle un peu Gwen Stefani, le tout reposant sur un léger vibrato naturel du meilleur effet. Et puis, il y a ce regard qui vous transperce, le genre de truc qui fait qu’un mec, même bourré, n’aura pas le cran de tendre une main inquisitrice vers la maîtresse des lieux, d’office il sait qu’il va s’en prendre une. Amandine, c’est elle qui prend les choses en mains, la scène c’est son espace alors, basta. Attention, n’allez pas croire que Damien et Mathis sont ses faire-valoir, que nenni, bien au contraire.
Le côté narratif et mélodieux est soutenu par une percussion qui se veut généralement peu technique, empreinte d’un minimalisme qui fait adhérer d’encore plus près la musique de Catfish à ses racines. Parfois c’est comme un « chain-gang » long ruban gris et noir qui emmène sa cohorte de forçats casser des cailloux sur une route déserte du Mississippi. Parfois c’est un « working chant » repris par des dizaines de voix et qui s’élève tout à coup le matin dans les brumes d’un champ de coton en Géorgie. C’est encore un rythme amérindien, presque chamanique, sacré, invoquant l’esprit du bison avant les grandes chasses d’été. Bref, en douze titres qui couvrent les sept ans de carrière du groupe, Catfish nous a charmés, séduits et on ne serait pas étonnés de les voir bientôt se produire sur des grandes scènes, en tout cas ils le méritent amplement. Une magnifique découverte que je vous conseille également.
Mitch "ZoSo" Duterck
Catfish : Line Up
Amandine Guinchard : chant et percussions.
Damien Félix : guitares, chant et percussions.
Mathis Bouveret-Akengin : claviers et percussions.
Set List Catfish
01.Mama Got The Devil Eye. (Morning Room – 2019)
02.Sour Sorrow. (Morning Room – 2019)
03.Black Coat. (Muddy Shivers – 2014)
04.Landmarks. (Dohyô – 2016)
05.Lost And Found. (Dohyô – 2016)
06.King Of Monkeys. (Morning Room – 2019)
07.You Got Me. (Dohyô – 2016)
08.Death Army.(Morning Room – 2019)
09.Much Better. (Muddy Shivers – 2014)
10.Catch Me. (Muddy Shivers – 2014)
11.Ballade. (Untitled Unreleased Track)
12.Make Me Crazy. (Muddy Shivers – 2014)
Mitch ZoSo Duterck
C’est toujours la même chose, je ne sais pas si tu as remarqué Ô lecteur fidèle et averti (comme l’était Jean-Christophe) mais en ce qui me concerne, quand je pars en expédition, le sommeil a toujours tendance à me fuir. Déjà qu’en temps normal il me fait franchement la gueule, la veille d’un concert, il ne prend même plus la peine de partager ma chambrée.
Alors tu tournes et te retournes sur toi-même comme un chien qui va se poser dans son panier, sauf que lui, deux minutes après : il dort ! Tandis que toi, nada.
Alors, comme Pascal, tu ouvres la porte à tes pensées que tu laisses s’échapper, pets discrets de l’esprit qui éclatent en presque-silence devant tes yeux rougis de fatigue comme les bulles de savon que tu créais de ton souffle innocent lorsque tu étais gosse. Allez, dis-toi que ce sera déjà ça de moins à porter dans quelques heures.
Je te fais donc grâce de ces quelques heures creuses, sache seulement que j’ai retrouvé mon pote Cédric en gare de Namur, capitale de la Wallonie, je précise pour les lecteurs français de cet article qui ne sauraient pas où ça se situe. Et le premier qui ajoute « une fois » s’en prend une dans les dents, la Belgique ne se limite pas à cet accent particulier et tellement mal imité, d’un quartier de Bruxelles circonscrit par quelques rues populaires qui font partie de notre patrimoine national sans être toutefois « le » représentant exclusif de notre belgitude.
Arrivée gare de Bruxelles-Midi, Brussel-Zuid, Brüssel-Züd (ça aussi c’est la Belgique) à la fois francophone, néerlandophone (on ne dit pas flamandophone) et germanophone. Direction : le Thalys pour Paris Nord. Oui on voyage en train et en 1ère classe en plus, normal pour des employés de la SNCB (les français remplacent le « B » par un « F ») ça y est ?
Un repas, une sieste et un Uber plus tard, nous rejoignons notre pied à terre à Mennecy (Essonne). Un coup de téléphone (Essonne) à notre ami Laurent nous apprend que le rendez-vous est prévu à 14.00 à l’espace Jean-Jacques Robert, lieu du concert.
Retrouvailles sur place avec nos amis du Deborah Bonham Band.
Les balances se déroulent super bien et le repas qui suit n’est pas pour nous déplaire non plus. Par contre le rouge est du gros rouge qui tache, du genre à trouer les jeans si tu renverses même par mégarde. C’est là que nous apprenons qu’il y a un groupe de première partie ce soir. Catfish, ils s’appellent ! Connais pas, mais si une filiation, même lointaine, existe avec le « Catfish Blues» de Jimi Hendrix, je serai déjà bien content. On verra ça dans quelques heures.
Quelques heures plus tard, donc, nous découvrons avec surprise et ravissement ce surprenant trio jurassien originaire de Le Frasnois. Et la filiation Blues tant souhaitée est bien présente. La Gretsch White Falcon de Damien ne manque jamais une occasion de trancher l’espace musical du groupe d’un riff acéré qui étincelle comme un éclair dans la nuit noire d’un orage d’été, lorsque la terre fumante libère la lumière qui monte vers les profondeurs de l’espace. C’est toujours surprenant de voir comme les choses qui te sont familières prennent soudainement un autre aspect, un autre visage, lorsqu’elles ne sont révélées que l’espace d’une seconde par une lumière froide qui n’en montre que certains aspects.
La musique de Catfish, c’est un peu ça, tu sens le blues toujours bien présent, le blues des origines, celui des débuts, celui du Delta, des temps immémoriaux, celui de Robert Johnson, de Memphis Minnie, de Sonny Boy Williamson et de Kansas Joe McCoy. Le blues de la tradition orale, celui qui ne s’écrit pas, parce qu’il se vit et mute avec l’histoire de ceux et celles qui le portent en eux et le chantent. Et c’est ce que fait à merveille Amandine, la blonde narratrice qui tient sans aucune peur le centre du plateau. Chose assez rare que pour être signalée, elle chante sans l’accent marqué qui distingue généralement, sans pouvoir s’y méprendre, les représentants de l’hexagone lorsqu’ils s’essayent à la pratique de la langue de Shakespeare, ici, c’est parfait ! Quant à la voix, il y a ce côté rauque à la Beth Hart et cette folie qui rappelle un peu Gwen Stefani, le tout reposant sur un léger vibrato naturel du meilleur effet. Et puis, il y a ce regard qui vous transperce, le genre de truc qui fait qu’un mec, même bourré, n’aura pas le cran de tendre une main inquisitrice vers la maîtresse des lieux, d’office il sait qu’il va s’en prendre une. Amandine, c’est elle qui prend les choses en mains, la scène c’est son espace alors, basta. Attention, n’allez pas croire que Damien et Mathis sont ses faire-valoir, que nenni, bien au contraire.
Le côté narratif et mélodieux est soutenu par une percussion qui se veut généralement peu technique, empreinte d’un minimalisme qui fait adhérer d’encore plus près la musique de Catfish à ses racines. Parfois c’est comme un « chain-gang » long ruban gris et noir qui emmène sa cohorte de forçats casser des cailloux sur une route déserte du Mississippi. Parfois c’est un « working chant » repris par des dizaines de voix et qui s’élève tout à coup le matin dans les brumes d’un champ de coton en Géorgie. C’est encore un rythme amérindien, presque chamanique, sacré, invoquant l’esprit du bison avant les grandes chasses d’été. Bref, en douze titres qui couvrent les sept ans de carrière du groupe, Catfish nous a charmés, séduits et on ne serait pas étonnés de les voir bientôt se produire sur des grandes scènes, en tout cas ils le méritent amplement. Une magnifique découverte que je vous conseille également.
Mitch "ZoSo" Duterck
Catfish : Line Up
Amandine Guinchard : chant et percussions.
Damien Félix : guitares, chant et percussions.
Mathis Bouveret-Akengin : claviers et percussions.
Set List Catfish
01.Mama Got The Devil Eye. (Morning Room – 2019)
02.Sour Sorrow. (Morning Room – 2019)
03.Black Coat. (Muddy Shivers – 2014)
04.Landmarks. (Dohyô – 2016)
05.Lost And Found. (Dohyô – 2016)
06.King Of Monkeys. (Morning Room – 2019)
07.You Got Me. (Dohyô – 2016)
08.Death Army.(Morning Room – 2019)
09.Much Better. (Muddy Shivers – 2014)
10.Catch Me. (Muddy Shivers – 2014)
11.Ballade. (Untitled Unreleased Track)
12.Make Me Crazy. (Muddy Shivers – 2014)