Clotilde De Brito et Solène Normant aux Escales de Binic ( salle éphémère de l'Estran), le 31 mars 2019
10eme Festival Littéraire (Festival de Littératures vagabondes) à Binic/Etables sur mer .
Romanciers, poètes, essayistes, auteurs de BD, auteurs pour la jeunesse, nous donnent rendez-vous à la Salle de l'Estran pendant trois jours ( du 29 au 31 mars).
Séances de dédicaces, tribunes libres, tables rondes, films et spectacles se succèdent dans les communes désormais fusionnées.
Le dimanche, après un passage prolongé au salon du livre, c'est dans le chapiteau érigé à côté de l'Estran que tu as rendez-vous pour assister au dialogue poésie et musique, proposé par Clotilde de Brito et Solène Normant.
Clotilde, vétérinaire, chercheuse, jongleuse, voltigeuse, chroniqueuse, poétesse et championne du monde de slam en 2015, raconte. Solène ( une des soeurs Normant) , accordéoniste, enseignante, chef sans restaurant , improvise un décor sonore habillant les délires littéraires de sa copine.
Ce duo a pendant une heure tenu Binic en haleine, faisant sourire, rire aux éclats, réfléchir, s'émouvoir, vibrer, s'affoler, un public conquis par la fraîcheur, la subtilité, la complicité, la finesse d'esprit, l'ingéniosité des intervenantes.
A 15h, c'est l'accordéon chromatique de Solène, une Jean Seberg à la chevelure noire, qui amorce le spectacle par une plage mélancolique, Clotilde, les mains sagement posées sur les cuisses, attend, comme absente.
Celle qui prépare l'enregistrement d'un premier album entreprend un second morceau, inspiré, puis la voix claire et lumineuse de Clo entame un premier récit, celui de la collectionneuse de nuages qui a dompté un cumulus, tu la suis sous le ciel bleu ou sous l'orage, tu redeviens enfant et tu comprends.
Elle nous tourne le dos pour déclamer une seconde fable alors que l'accordéon se fait plaintif, on les voit très bien les gens qui tourbillonnent, se perdent, le petit poucet n'avait pas de minuscules cailloux à semer pour retrouver son chemin.
Poésie faussement naïve, l'acrobate frappe juste et touche .
Avec 'Mal au vide' elle déclenche l'hilarité générale et pourtant le fond est profond et nous montre que l'humain (toi, moi) est souvent odieux.
Remplace vide par bide, tu comprendras!
On avait bien besoin d'un interlude musette, clown triste contemplant la Seine, avant le conte suivant, ' Compter' , t'as retenu... je compte les pages qu'il reste à lire dès le début de chaque roman ... ou... je compte sur les doigts d'une main les mains sur lesquelles je peux compter... une nouvelle fois, tu constates qu'elle t'a eu, que ses mots, à première vue innocents, ingénus, servent à décrire un trouble intense.
Et puis on croise une mésange qui zinzine avant d'encaisser une dissertation sur le textile, avec en background comme un parfum de Karl Marx ou de Friedrich Engels.
Après la lutte des classes pied de poule contre eau de Cologne bon marché, Solène nous assène un tango frénétique avant le roman des amours impossibles ( Chers objets du désir) qui a fait glousser tes voisines.
Nougaro: la pluie fait des claquettes sur le trottoir à minuit... Clotilde, aussi, dépeint la pluie, à sa manière, et tu sais l'odeur de la terre après la pluie a un nom: pétrichor.
Et, merde, elle est savante, cette fille qui enchaîne sur un jeu de mots subtil...verrou ouvert vers où.....t'es trop forte, Clotilde.
On a le temps de digérer, celle qui a réussi à te faire penser à A Bout de Souffle place une romance sans paroles, peut-être dédiée à Godard.
Beau!
Un accordéon étiré sans appuyer sur les touches, ça fait du vent, viens, je t'emmène dans le jardin de Clotilde, un jardin en esse et ousse , allégresse et rousse, paresse et mousse, jeunesse et brousse, c'est comme tu le sens, elles sont étourdissantes et ont bien mérité la folle acclamation qui ponctue le spectacle.
Allez, oui, en guise de rappel, on vous refait la dernière tirade, la gestuelle est pour vous, ladies and gentlemen, voici ' Du lierre et de la mousse' à trouver dans un jardin sans adresse!
Tant qu'il existe des jardins, car...
Mais un jour près du jardin
Passa un homme qui au revers de son veston
Portait une fleur de béton...