mercredi 23 février 2011

Tony Joe White au Depot, Leuven, le 22 février 2011

Ce fut dans le marais de la forêt, c'est-à-dire le long de la Dyle, que se forma et se développa Louvain.

"Het ghevalle daer na alsoe, Dat te Loeven, in die LOE, Dat lammekijn ga weiden, Ende dezen man si, beider heiden, Op eenen hoghen boem ghetreden, Ende zijn goet wijf sitte beneden, Daer bi, in een SCOEN FOREEST. »
C'est-à-dire : A Louvain, pendant que l'agneau broutait dans la loe, l'homme montait sur un arbre élevé, tandis que sa bonne femme était assise à terre, dans une belle forêt.
'Louvain, dans le passé et le présent'- Edward Van Even ( page 9)

C'est dans ces marécages que le renard des marais donne son second concert 2011 sur le sol belge ( le 15 il était au Spirit, le 4 mars il sera au Cactus à Bruges).
Le Depot affiche complet, la séance Tony Joe White se jouera à guichets fermés.

Après les actualités Belgavox, on aura droit à un court-métrage bien naze: Delvis!
Un poisson des bas-fonds, immangeable, qui te donnera de l'urticaire.
Le barbu et enveloppé Delvis, c'est Niels Delvaux. Ce barbeau de Landen pousse la chansonnette et tire quelques lignes d'harmonica. Sur scène, il est accompagné d'une mignonne donzelle grattant une guitare: Chloë Maes!
Le polichinelle commence fort: 'Is everybody happy?' , avant d'amorcer un gospel ...please forgive me... chanté d'un timbre proche d' Al Green ou du 'Fuck You' alias Cee Loh Green.
Après avoir violé un cureton, il réservera le même sort à Nick Drake ('Riverman'), au 'Pusher' de Steppenwolf et finalement il fera un bâtard à Nina Simone ( ' Lilac Wine').
On a lynché des sukkeleirs pour moins que ça!

Attente pénible, phénomène récurrent au Depot et, à 21h30', extinction des feux et apparition du swamp fox, Tony Joe White, qui prend place sur une white chair.
J'astique mes ray-bans, redresse mon Stetson Harrison Ford, gratte ma Fender , reçue lors de ma première communion en 1956/ 1957, mon harmonica est prêt: let's go!
"I was born and raised on a little ole farm
Shotgun house down the swamp..."
Non il n'est pas né dans les Polders!
'Way down South': sobriété, authenticité, chaleur... la température vient de monter de 20 degrés!
A new song, le vétéran a sorti un 33ème cd en 2010 ( 'The Shine'), ' Roll Train Roll' !
Formidable, à part JJ Cale personne n'a un jeu plus laidback que Tony Joe.
Arrivée du drummer, Bryan Owings: barbe mitée, bonnet, lunettes de prof, mais surtout une assise rythmique à lui seul. Ce cogneur affiche un palmarès pas bidon: Emmylou Harris, feu Solomon Burke, Shelby Lynne, Sue Foley, Webb Wilder, Pieta Brown, Justin Townes Earle... tout Nashville quoi!
Premiers émois à tes côtés car la wah wah crépite: 'Undercover Agent for the Blues'.
Un clin d'oeil au complice, pas besoin de playlist, not having a full band it works better without a setlist, de toute façon Bryan est analphabète!
Un monument de 1969: ' Roosevelt & Ira Lee', on plonge profondément dans les bayous de la Louisiane, la voix caverneuse et noire du bluesman blanc vient te chatouiller les tripes, pendant que les doigts ( no pick, people) virevoltent sur la Stratocaster.
Un boogie crasseux: ' Do you have a garter belt' . Jauni a repris cette merveille, non il ne l'a pas intitulée 'Portes-tu un porte-jarretelles?'!
Changement de registre, le slowblues gluant ' The guitar don't lie' .
Bryan, tu t'endors vieux, un rock?
Attaque, papy..
' Tunica Motel' .
Et que vas-tu faire dans ce bouis-bouis?
Y retrouver le fantôme de Robert Johnson, gimme the blues at the Tunica Motel!
Place au lancinant ' I want my Fleetwood back' .
Fleetwood Mac?
Non, sa Fleetwood Cadillac, un Coupe DeVille consommant 25 litres au 100 km, si tu choisis la vitesse de croisière.
Pas con le mec qui proclame 'Tony Joe est à la musique ce que Clint Eastwood est au cinoche': deux gars avec des baloches pas nourries au Viagra.
Le titre ouvrant 'The Shine', la ballade veloutée 'Season Man'.
Un jeu tout en caresses, un tempo lascif: du travail d'orfèvre!
Tout Leuven a reconnu, aux premiers riffs, le méchant oiseau noir: 'As the crow flies' .
En fermant les yeux, tu entends la reprise du regretté Luke Walter Jr. de Blue Blot, un ami de Tony Joe, avec lequel il enregistra dans les Muscle Shoals Studios à Sheffield, Alabama.
Le duo nous balance une nouvelle perle du dernier né ' Tell me why'. Son motto est clair, il murmure... keeping the song simple..., pas d'éclats flashy mais de l'humilité et de la dignité, sur fond de country funk au groove en demi-teinte.
White chante le même sud que William Faulkner, le sud tourmenté par la fatalité ...from the time you leave your mother's womb and cry out to the world, your place of refuge no longer exists...
The curse, qu'ils disent!
L'imparable 'Polk Salad Annie' mettra fin au set.
Quelque part en haut, le King, entouré d'anges, danse la polka dans une boîte tenue par Saint-Pierre tandis que sur scène Tony Joe se déchaîne sur un siège blanc.
70' de pur bonheur disait l'autre sur Classic 21!

Il nous fait attendre pour les bis!
Un clin d'oeil à Chris Rea et aux Fender guitars, le paresseux ' Lake Placid Blues' .
Leentje avait déjà hurlé six fois 'Steamy Windows', le cowboy soulève ses lunettes, un clignement de paupières tout en pointant du doigt: this one is for you, lady ..steamy windows- zero visibility..
steamy windows- coming from the body heat..
Fumant!

Thank you, Leuven.
En route pour le Danemark.

Un Tony Joe White fidèle à son image!