Oriane Lacaille à Bleu Pluriel - centre culturel de Trégueux, le 14 octobre 2023
michel
9e édition du festival les Mots Dits à Bleu Pluriel, du 5 au 25 octobre 2023, quelques beaux noms défilent dans l'accueillante salle de Trégueux.
Oriane Lacaille, programmée le 14 octobre, avait retenu ton attention.
C'est dans un espace en configuration cabaret que le public est invité à assister à la représentation de l'artiste originaire de l’Ile de la Réunion.
Ils seront trois sur scène: Oriane Lacaille, fille du multi-instrumentiste René Lacaille, the master of the spicy séga rhythms, au chant, aux divers ukulélés, au takamba ( = guitare rectangulaire à 3 cordes), et aux percussions: des shakers, un kayamb ( une sorte de tablette secouée) et un deff frappé par un petit bâtonnet - Héloïse Divilly à la batterie, aux percussions ( une panoplie impressionnante) et aux chœurs et Yann-Lou Bertrand à la contrebasse, trompette, flûte et chœurs.
Entrée en matière originale, en sortant des coulisses le trio, en file indienne, vient se coller face aux tables jouxtant la scène et, tout en s'accompagnant de battements de mains, entame, a capella, un chant créole ('Mi Pans Aou' ) doux et sirupeux comme le sucre de canne roux, au parfum exotique, issu des plantations insulaires.
Le titre conclut le premier album gravé par Oriane, ( ' iViV'), l'album succédait à un EP ( Hear My Voice), sorti en 2022 sur le label de Piers Faccini .
Pour être complet, on ajoute que la fille de René Lacaille a fait partie de Titi Zaro et du duo Bonbon Vodou, qui sur scène se produisait en formule quintet, avec, déjà, la présence dans l'équipe du talentueux Yann-Lou Bertrand.
Chacun à sa place, comme le chantait Elli Medeiros,, Oriane à gauche, pour nous, a ramassé un de ses ukulélés, Héloïse s'est cachée derrière le drumkit, et le grand Yann-Lou s'est emparé d'une trompette, ils amorcent 'Je suis la fleur qui ne poussera jamais'.
Le texte poétique, sur flow narré, enchante et émeut, la trompette, en sourdine, est vite remplacée par une contrebasse soyeuse, Héloïse ( autrice de l'album 'Winds avec son projet YOU) décore le tout de ses percussions exotiques: grelots aux chevilles, ou à manche, clochettes, crotales, chimes...
Après nous avoir envoûtés et bercés, en mode végétal, le trio attaque 'Malak', un extrait de l'EP de 2022.
Malāk est un terme arabe pour désigner les anges, le titre a été écrit après avoir croisé une femme syrienne lors d'un trajet ferroviaire.
Les harmonies vocales exemplaires flattent agréablement nos pavillons, et, si tu devais adhérer à la théorie de la métempsychose, c'est en papillon que tu te vois réincarné
'Kaf do lo' retrace, en caractères poétiques, la légende de l'homme poisson, le pêcheur qui, sur son frêle esquif, brave les lames et les squales.
Sur l'album, Laura Cahen prête sa voix sur le titre allégorique ' Flèr', ce soir, Oriane peut compter sur Héloïse et Yann-Lou pour l'accompagner.
Ce dernier a sorti un archet pour caresser la contrebasse , les sonorités liquides du ukulélé et les voix éthérées marient habilement les éléments: terre, air, eau, étaient présents, le feu était dans nos coeurs.
Héloïse a ramassé le kayamb qu'elle agite habilement pour la suivante, 'L'unique mot', mais c'est surtout l'incroyable boulot, très jazzy, abattu par Yann- Lou Bertrand qui frappe les esprits.
Sur l'album, la voix et le violoncelle de Leyla McCalla s'entendent sur le titre 'iViV', ça vit, en créole.
'iViV' chante la mémoire, les valeurs culturelles et spirituelles des Antilles, les traditions, les ancêtres, les griots, les paysages, les forêts, lagons et volcans....
Elle est attachée à son île et partage ses émotions avec nous, point n'est besoin de comprendre l'intégralité du texte, Oriane parle à nos coeurs.
Héloïse semble jouer avec de petits cailloux pour rythmer le tendre 'Timo' , une chanson qui, pareille à un soupir ou un frôlement imperceptible, chatouille l'âme.
Une nouvelle fois la contrebasse s'octroie une envolée jazzy raffinée , digne de la subtilité que peut arborer un Avishai Cohen.
Intro percussive pour ' La Lang La Poin Lo Mo', un titre enjoué qui voit Trégueux battre des mains et Oriane esquisser un pas de danse élégant.
Tante Suzie est philosophe, c'est en riant qu'elle aime répéter, un jour on va mourir, en son honneur on vous interprète le séga ' Ride', et si tu te sens l'âme d'un pouillot siffleur, tu peux accompagner Yann-Lou.
Apparition de la fameuse guitare du désert, la takamba.
La mélodie gospel/blues ' Li Bat' profonde et obsédante nous fait entrevoir un cordon dunaire, des arbustes secs et quelques Touaregs égarés.
Tandis que le tempo accélère, trance et free jazz se rejoignent et nous emmènent pour un voyage astral, hors de notre enveloppe corporelle.
Comme le laisse supposer l'intituler, l'incantation ' Aouicha Dancefloor' invite à la danse.
Une flûte ensorcelante nous fait tourner la tête, plus sûrement que le manège d'Edith Piaf, ce morceau virevoltant achève le set et voit tout le public, envoûté, se lever et faire une ovation à un trio qui l'a régalé avec une world music, qui aurait beaucoup plu au co-fondateur du WOMAD, un certain Peter Gabriel.
Les rappels:
'Lam La Mer' trace un parallèle avec les esclaves d'antan et les réfugiés d'aujourd'hui.
Le titre, poignant, remue les tripes, il est suivi par ' Complainte pour mon défunt papa' , une composition d'Alain Péters , icône de la musique traditionnelle de La Réunion.Cette mélopée, toute en vocalises, voit les artistes transformés en marching band et c'est en déambulant dans la salle qu'ils se dirigent lentement vers les coulisses pour regagner leurs loges, tout en continuant leur psaume derrière les rideaux, sous les acclamations d'une salle ravie, subjuguée par ce show généreux et attachant.
Le 20 octobre, Mathieu Ramage et Nawel Ben Kraïem sont à l'affiche des Mots Dits!