Maria BC au Botanique, Bruxelles, le 26 octobre 2023
michel
C'est dans une Rotonde peu peuplée, mais attentive, que Maria BC donnera son premier concert sur le sol belge.
Maria BC?
Maria Bobbitt-Chertock, d'Oakland , qui s'est lancée dans la chanson il y a peu, sous le label Maria BC.
Avant cela, en 2020 son nom se lisait sous des articles de presse traitant de musique, de littérature ou de poésie, elle a également tâté du cinéma, toute jeune, elle a été à l'affiche de deux courts-métrages.
Discographie: un premier single en 2020, suivi par l'EP 'Devil's Rain', puis l'album 'Hyaline' en 2021 et enfin, le tout frais pondu 'Spike Field', qu'elle doit promouvoir lors d'une tournée en Europe et aux States.
Un père pianiste à l'église, une enfance religieuse, combinée à des cours de chant, l'ont conduit(e) à se lancer dans l'univers musical tout en visant une autre approche, plus souple, que celle qui l'avait , peut-être, quelque peu étouffé(e) dans sa jeunesse.
Sur une scène désolée, un jeu de pédales et un échantillonneur se morfondent en attendant Maria, qui à 20 30, casquette vissée sur la tête, émerge, furtivement, des coulisses.
La jeune personne, à l' apparence frêle et vulnérable, débute le set par le titre éthéré ' Good Before'.
La voix, baignée de reverb, passe du spectral au cristallin, le jeu de guitare minimaliste s'accompagne de choeurs angéliques pré-enregistrés, c'est tellement fragile que le public retient son souffle pour ne pas briser l'enchantement dans lequel il est plongé.
Slowcore, ambient, dream folk, ethereal wave.... toutes ces étiquettes la classe sur le même rayon que Cocteau Twins ou This Mortal Coil.
'Devil's rain' baigne dans les mêmes climats brumeux et cotonneux que la plage précédente, la guitare est précieusement caressée, la voix, à peine plus audible qu'un bruissement de feuille, qu'une brise molle agite, ne risque pas d'effrayer la seule mouche perdue dans l'hémicycle.
Rien ne peut perturber la concentration de Maria qui égrène ses notes et murmure sa mélancolique mélopée les yeux clos.
Avec ' Tire iron' on a droit à un premier extrait du nouvel album: le jeu de guitare, embryonnaire, un looping discret et un chant pas plus énergique qu'un friselis définissent l'approche. Si t'es amateur d'indie pop introspective et évanescente, de plans d'eau embruinés, de décors gothiques chers aux soeurs Brontë, de paysages désolés, si bien rendus par Carl Gustav Friedrich, tu vas, sans nul doute, accrocher au monde de Maria BC.
Un thanks hésitant répond à nos applaudissements, elle s'accorde, manipule le sampler et entame 'Daydrinker' , comme les précédents, le titre se révèle immatériel, il est à peine susurré alors qu'en background un choeur céleste crée une atmosphère sépulcrale.
Morceau achevé, Maria complimente la salle, what a gorgeous venue, avant d'attaquer ' Haruspex' qui démarre sur bruitages grinçants.
Le titre se démarque quelque peu des plages précédents en exhibant des effets industriels, sans qu'il soit question de la comparer à Nitzer Ebb ou à nos compatriotes de Neon Judgement, la voix demeure posée et étrangement irréelle.
Petit temps mort pour gérer le sampler, un flux liquide ébauche ' Amber', une pièce new age aux relents gothiques qui peut évoquer Enya ou Loreena McKennit, et forcément des châteaux en ruine, perdus au fin fond de l'Irlande ou de l'Ecosse.
Malgré des moyens réduits, il se dégage un sentiment de grâce et de profondeur à l'écoute de ces laments austères.
'Watcher' suit ' Amber' sur l'album et sur la setlist, si tu apprécies les chants grégoriens ou le mysticisme d'une Hildegard van Bingen, tu vas craquer.
Le set ( moins de 45') prend fin avec le désarmant et serein 'The only thing', à écouter sur 'Hyaline'.
Lors d'une interview Maria avait commenté le propos de la chanson: ... The track is about allowing yourself to be seen fully by another person. When you find they aren’t afraid, you realise you shouldn’t be either...
Elle fait mine de s'éloigner, le public réclame un bis, ... let me switch some pedals and I'll play an encore..
Elle a abandonné la guitare, se contente des bandes et propose 'Lacuna' un morceau couché sur tapis de clochettes. Halètements étranges, vocalises insolites et bruitages dissonants, la voient prendre une posture expiatoire, c'est à genoux qu'elle poursuit son chant heurté avant de remercier l'assistance et de se replier vers les catacombes.
Les soundscapes créés par Maria BC , sa fragilité et sa sincérité, ont captivé un public qui, en majorité, n'avait jamais entendu ni son nom, ni sa musique insolite.