mercredi 25 novembre 2020

Album - Ward Davis – Black Cats and Crows

 Album - Ward DavisBlack Cats and Crows 


par NoPo

 

Label: Thirty Tigers

 

Track Listing

  1. Ain’t Gonna Be Today
  2. Black Cats and Crows
  3. Threads
  4. Sounds of Chains
  5. Get to Work Whiskey
  6. Colorado
  7. Book of Matches
  8. Heaven Had a Hand
  9. Where I Learned to Live
  10. Papa and Mama
  11. Lady Down on Love
  12. Nobody
  13. Good to Say Goodbye
  14. Good and Drunk

 


Installé au pied de la montagne des Appalaches, l'homme au look de cowboy, originaire de l'Arkansas, transpire ses racines américaines bien ancrées.
Il apprend d'abord le piano en cherchant Garth Brooks à l'oreille puis il se met à la guitare (gagnée au poker par son père)... à l' œil... pour les filles!
Installé à Nashville en 2000, il prête sa plume (pas celle du chapeau) à Willy Nelson et Merle Haggard, notamment, puis finit par en laisser (des plumes) mais... il creuse sa carrière.
Sans surprise, le chanteur ne s'inspire pas de l'homonyme du Merle, Sammy Hagar (du Nord, c'est le plus fort!) mais plutôt du siffleur et des cowboys chapeautés.
Dans ses poussées plus rock, on pourrait voir poindre la barbe de Bob Seger.

En 2020, le compositeur signe sa troisième publication sous son nom, 'Black Cats and Crows', tout un poème.

La pochette en noir (surtout) et blanc, avec accentuation des contours comme au fusain, présente l'artiste à barbe brune, affublé d'un chapeau clair et d'un blouson de cuir sombre, assis, sa guitare folk entre les mains, prête à chauffer.
En haut, figure son nom, en fine lettres majuscules blanches et le titre en dessous, police bordeaux manuscrite. En fond, un beau ciel crépusculaire et nuageux semble imager l'état d'esprit de l'auteur.

Convaincu d'attirer les chats et les corbeaux de couleur funeste (et les coups durs qui vont avec), l'artiste broie du noir.
Chaque titre trempe dans une ambiance de mélancolie et de nostalgie pour ne pas dire abattement parfois...
Toutes les histoires racontées le concernent- elles directement ou le 'je' qu'il emploie est-il un jeu? Sans doute un peu des 2...
Un titre à titre? Ok mais tant qu'à se perdre, n'y allons pas tout à fait dans l'ordre...

Un des morceaux les plus positifs 'Ain't Gonna Be Today' sonne enjoué dès l'entame. Ici, Ward aspire à des jours meilleurs même si ce n'est pas encore pour aujourd'hui.
Les guitares électriques, souvent en duo, illuminent le morceau, tranchantes et mélodieuses ou larmoyantes à la pedal steel (ou lap steel).
Le rythme mid tempo trotte, comme un pur-sang contrôlé, et le résultat devient imparable surtout avec cette maîtrise technique, si propre, et la voix du chanteur chauffée à l'espoir et au whisky (on va le voir plus loin).

A l'inverse, le morceau titre l'affirme 'Every day’s just another day to die', on a connu plus gai! L'auteur se compare à une âme perdue, marquée par le mauvais sort (maudits chats noirs!).
L'intro piano/voix avec une pointe de guitare prend à la gorge et envahit tout le corps, pas facile de s'en remettre.
Ward met ses tripes dans cette belle écriture qui coule comme un ruisseau mortellement sauvage. La batterie claque comme la malchance qui frappe.
"The devils in the details and the details pave the way
For every bed and every debt and every step we take"
Cody Jinks et TN Jet co-écrivent ce magnifique texte avec Ward (idem pour 'Colorado').

Dans "Sounds of chains", le compositeur, devenu criminel par procuration (pas de trace de meurtre dans son CV!), traîne sa peine jusqu'en prison à travers un murder blues-rock au rythme approprié.
L'interprétation musicale, en bloc compact, impressionne. Un rire sournois et sans remords achève la composition. A noter la présence remarquée de Scott Ian (Anthrax) à la guitare.

'Papa and Mama' démarre sur un clavier balancé et des chœurs à influence gospel. La composition se transforme en blues rampant et dégoulinant, une tuerie.
Ecrites par Ray Scott cette fois, les paroles parlent de sa mère frappée par un père alcoolique qu'il décide de punir avec une arme à feu.

'Colorado' allume un feu dans la nuit au son du violon, guitare folk et lap steel (ou pedal), instruments indispensables à un titre country étalonné. Ici, Ward Davis se souvient des plus mauvais moments et oublie les meilleurs!
'Don’t think that I don’t think about Colorado', un endroit particulier, semble-t-il, pour l'écrivain et sa compagne.

L'éclair dans la nuit vient de 'Heaven had a hand' où il raconte, dans une douce ballade, que le ciel lui a envoyé l'amour... on s'attend à une ode à sa femme mais c'est de sa fille ainée qu'il s'agit!
L'instrumentation sobre joue discrètement sur du velours.

'Where I learned to live' parle de ses origines et de ses racines qu'il souhaite retrouver, même si tout n'a pas été simple. Le morceau  se promène sur une ballade presque sereine.
L'accompagnement glisse toujours tranquillement avec une pointe pedal steel (ou lap!) cette fois.

'Lay down on love' déroule, à nouveau une ballade au piano/violon sans rythmique et parle de rencontre puis de rupture, par perte de confiance. Il s'agit d'une reprise d'un hit de 1982 par le groupe Alabama.
"Threads" glisse sur les mêmes bases tristes dans la combinaison piano/violon et sans batterie. Ici, la vie de l'Américain tombe en lambeaux dans un morceau très intime.
Les balais de batterie caressent tendrement et les cordes pleurent sur 'Nobody' (coécrite avec Shawn Camp) où l'artiste atteint le fond. Il se met plus bas que terre et reconnaît qu'il n'est personne.

Piano expressif, guitares légères, et batterie en arrière-garde baladent 'Good to say goodbye' dans un au-revoir à son père qu'il n'a plus vu depuis des années.

L'alcool accompagne DAVIS à plus d'un titre.
Dans 'Get to work whiskey', il se réfugie dans le whisky pour oublier une femme qui l'a laissé en vrac. Le rythme énergique mais titubant frise la syncope. 
'Book of matches' une boîte d'allumettes et une bouteille de vin l'aident à passer une longue nuit et tuer les souvenirs. Le titre, dans un espèce de va et vient aérien très calibré, apporte une douceur réconfortante.
'Good and drunk', viré par sa femme, il espère devenir bon... et saoul. Ce morceau, apaisé, conclut l'album sur une ballade au piano, enveloppé d'orgue précieux et de contrebasse timide, doucement giflé par des balais feutrés.
Désabusé convient mieux à l'état d'esprit qu'apaisé!

Sur ce disque, les arrangements et le son, haute qualité, mettent en vedette les guitares, en particulier la slide, le piano aux multiples variations et la voix profonde et burinée.
Impossible de ne pas penser à Jackson Maine, loser de 'A star is born', qui aurait pu interpréter une grande partie de cet album, œuvre introspective faisant office de thérapie.
Le compositeur aime la musique qui ne va pas plus vite que les battements de son coeur au repos (belle trouvaille de JL Murat, si je ne m'abuse). 
Dans ce style, le musicien maîtrise son jeu avec dextérité et suffisamment de retenue pour laisser passer l'émotion.
Ward Davis vient de commettre un album superbement écrit mais à ne pas mettre entre toutes les oreilles et ne surtout pas prescrire aux déprimés.