Gaëlle Cao Corbin, soprano et Yuri Higuchi, piano - Eglise St-Pierre de Plérin ( 22) - le 10 septembre 2016
Un concert de musique sacrée à Plérin, l'église Saint-Pierre accueille la soprano Gaëlle Caro-Corbin, accompagnée au piano par Yuri Higuchi, pour un répertoire de prières et Ave Maria!
Pas foule en ce samedi soir de septembre, à peine une trentaine de mélomanes et deux touristes prennent place dans la coquette église de Plérin centre.
Le comité organisateur fait grise mine mais contre mauvaise fortune, bon coeur, à 20:10' une aimable et érudite personne introduit les artistes et lève un coin du voile sur le programme de la soirée, le récital se déroulera en deux parties.
La première à se présenter, vêtue d'une élégante robe de soirée noire est Yuri Higuchi, une pianiste japonaise collectionnant les médailles et les prix en France, elle s'est spécialisée dans l'accompagnement de lied mais a également figuré à l'affiche comme interprète des oeuvres de Schumann, Franck, Debussy ou Poulenc ou comme pianiste ayant notamment accompagné l'opéra 'Les Noces de Figaro' de Wolfgang Amadeus.
La séduisante Asiatique est accompagnatrice dans les Conservatoires des 10e et 17e arrondissements de Paris.
Yuri entame "Litanei auf das Fest Aller Seelen" de Franz Schubert avant que la voix de Gaëlle Cao Corbin qui surgit de la sacristie se fasse entendre, la chanteuse lyrique d'un pas lent se dirige vers un pupitre placé sur les marches du choeur de l'édifice religieux .
Vêtue d'une longue robe bleue, scintillante, la soprano/ harpiste et infirmière parisienne impressionne d'emblée.
La seconde prière composée par l'amateur de truites autrichien, ' Pax Vobiscum, est plus mouvementée, elle précède 'Gebet während der Schlacht ' un chant d'un romantisme grave et dramatique, le jeu de Yuri fait preuve d'agitation, la voix de Gaëlle, profonde, convaincante, héroïque, inspire le respect .
Le cycle Schubert s'achève par une interprétation sans failles du poignant 'Ave Maria' soutenu par un piano d'une sobriété souveraine.
Second chapitre: Ludwig von Beethoven- Sechs Lieder von Gellert, op.48
Six poèmes de Christian Fürchtegott Gellert mis en musique par le maître du classicisme viennois:
1 Bitten - 2 Die Liebe Des Nächsten - 3 Vom Tode - 4 Die Ehre Gottes In Der Natur - 5 Gottes Macht Und Vorsehung - 6 Bußlied
Gravité liturgique, théâtralité extrême, passages enflammés, le chant semble sourdre du plus profond des entrailles de la cantatrice, concentrée sur son sujet, quant au piano il alterne grâce et attaques agressives.
Le silence religieux n'étant interrompu que par quelques lascars actionnant leurs flashes ou déclencheurs bruyants aux moments les moins opportuns.
Chapitre trois, Gaëlle Cao Corbin quitte l'abside pour prendre position au bout de la nef, le piano entame "Allmächtige Jungfrau hör mein Flehen!"" la prière d'Elisabeth extraite de 'Tannhäuser', l'opéra de Wagner.
Du fond de l'église émerge un chant épique te clouant sans voix sur le petit banc inconfortable sur lequel tu as pris place, d'une démarche lente, empreinte d'une majesté seigneuriale, la soprano rejoint le choeur et son accompagnatrice pour achever la complainte de la comtesse amoureuse du ménestrel.
Pause et acte deux!
Il démarre au vingtième siècle par le ' Cantique sur le bonheur des justes et le malheur des réprouvés', un des airs extrait du second recueil de 20 mélodies de Reynaldo Hahn, le compositeur originaire du Venezuela, devenu un des chouchous des salons parisiens fort apprécié par Marcel Proust, une deuxième oeuvrette tout aussi désuète, le bucolique ' La douce paix' lui succède.
La grande naïveté au niveau du propos prête à sourire, l' interprétation acrobatique force l'admiration.
Toujours en France, une prière quasi contemporaine, que la présentatrice et le responsable du feuillet attribuent à Petitgerard, mais il s'agit probablement de Laurent Petitgirard, responsable de musiques de films et créateurs de deux opéras, l'air se nomme ' Une prière oubliée' et fait songer aux tableaux de Jean-François Millet.
Deux pièces de Gabriel Fauré constituent la suite du programme, 'En prière' et le céleste 'Ave Maria' dominé par les sonorités d'orgue.
Pour beaucoup la pièce maîtresse du récital aura été l''Agnus Dei' attribué à George Bizet mais que les musicologues supposent être de la plume de son ami Ernest Guirard qui aurait retravaillé le mouvement de l'Intermezzo de L'Arlésienne Suite No. 2.
L'interprétation magistrale du duo en piste ce soir aura fait vaciller les flammes des cierges dédiés à la Sainte Vierge. Le morceau à peine achevé, ta compagne, s'imaginant à un concert de rock, s'est mise à pousser des vivats bruyants, au grand dam des paroissiens locaux.
Direction l'Italie pour un 'Ave Maria' signé Luigi Luzzi, nacque ad Olevano di Lomellina ( en 1824).
L'étonnante gestuelle des mains de la chanteuse accentue l'éloquence de son discours, elle enchaîne sur un quatrième 'Ave Maria', fougueux, extrait de l'opéra 'Cavalleria Rusticana' de Pietro Mascagni,
Le concert se termine en beauté avec Giuseppe Verdi, Desdemona's "Ave Maria" un aria tiré d' Otello.
Emouvant à en pleurer.
Cette performance de choix est acclamée comme il se doit.
Debout, le maigre public attend un rappel, il sera exaucé et entendra le célèbre 'Ave Maria' de Gounod avant de quitter Marie, Saint-Pierre et le bedeau!