Aura-t-il fallu attendre le 14 décembre pour assister au concert de l'année?
Ils étaient nombreux en quittant la Rotonde à le penser.
Le groupe sud-coréen Jambinai a éclaboussé Bruxelles de sa classe insolente.
Ilwoo Lee, le seul à s'exprimer ( en anglais) nous rappellera que c'est en Belgique qu'a débuté la tournée européenne du groupe et c'est dans ce même pays, magistralement dirigé, que prend fin le parcours.
Les trois premières plages proposées sont 'performées' en trio: Ilwoo Lee :guitar, piri ( un hautbois minuscule), loops, trompette coréenne ( taepyongso), et les deux séduisantes demoiselles Bomi Kim: haegum ( un instrument traditionnel bizarre, ressemblant à une arbalète mal foutue, joué à l'archet), triangle et xylophone, et Eun Young Sim, maniant magistralement le geomungo ( approximately 162 cm long and 23 cm wide), une famille du zither, se jouant avec des bamboo sticks de longueur variable et le xylophone.
La disco du groupe compte un album ' Différance' et un EP, une nouvelle plaque est prévue pour mars 2015, les titres présentés au Bota sont puisés dans l'ancien répertoire aussi bien que dans les oeuvres non enregistrées, pas de setlist, donc pas d'énumération!
Si tu aimes l'inattendu, le méditatif, les soundtracks asiatiques, ces trois premières broderies douces et contemplatives vont te conduire vers le nirvana.
La guitare plaintive se balade sur fond de bourdon/basse, Bomi Kim tapotant un xylophone pour ajouter une note joviale à cet ambient soundscape ténébreux, atmosphérique et minimaliste.
Eun Young Sim, impassible, telle un auguste Bouddha de bronze égrène ses notes en regardant au loin.
Après cette première pièce déroutante et hypnotique, Ilwoo Lee abandonne l'électronique et la guitare pour tirer des sons abrasifs et austères du piri.
Une voix off et des loops donnant un caractère psychédélique au second effort.
Sur toile venteuse un free jazz/ prog rock des rizières, mystique et dépaysant achève la première partie du récital.
Le trio est rejoint par Dokyo 13 à la basse ( 5 cordes) et Myounghoon Ryu aux drums, avec ce renfort, Jambinai emprunte une nouvelle voie, celle d'un heavy post-rock explosif en diable.
Eun Young Sim, figée durant la partie initiale, entame un headbanging furieux, imitée par ses acolytes.
Une éruption volcanique pire que celle qu'a subie Pompéi en 79 de notre ère.
Même veine ignescente lors de la suivante, décorée d'un passage Sigur Ros propice aux vocalises mixtes.
L'accalmie sera de courte durée, le volcan Hallasan, au repos depuis 1007, entre en action d'une manière si soudaine que ta voisine, stupéfaite, sursaute en écrasant tes pieds en retrouvant le plancher.
Une nouvelle plage à la structure complexe et aux mouvements agressifs amènent certains à des rapprochements vers Godspeed You Black Emperor ou d'autres Asiatiques, Mono.
Après deux derniers fragments furieux et spasmodiques, de véritables secousses telluriques, la barque geomungo émettait des craquements sinistres, pendant lesquels les filles entament une mélopée tuberculeuse à la PJ Harvey, le batteur et le bassiste s'en vont boire un soju bien tassé.
Ilwoo Lee tient à nous remercier et à nous faire comprendre qu'ils joueront mieux la prochaine fois ( aah, cette humilité jaune!) avant de revenir au scénario des prémices, en proposant une tirade sereine.
Unanimité en sortant de l'amphithéâtre, un concert captivant!