Depuis un petit temps, déjà, tu avais pointé le concert de la séduisante portoricaine dans ton carnet.
Paul Huygens, le Saint patron, responsable des destinées du douillet club de la rue des Pierres, a l'amabilité de te réserver une table face à la scène: muchas gracias,señor!
Le Music Village affiche complet, il a fallu refuser bon nombre de réservations. Normal, une soirée de Latin Jazz avec la Brussels jazzy cream et une des voix les plus sexy de la planète, même par ces t° polaires et les difficultés de trafic inhérentes, pas question de rater l'événement!
Katalina Segura
born in Puerto Rico, vivant à Berlin. Violoncelliste et voix sensuelle, sans omettre un physique pour le moins attrayant.
Les plus grands clubs internationaux ont pu applaudir ses performances.
En 2003 sort le CD 'Pedazo de Luna', Katalina y interprète une collection de titres écrits par Sylvia Rexach, compatriote et poétesse décédée en 1961.
Ce soir, elle est accompagnée par le guitariste/arrangeur et ami de longue date: Jean-François Prins. Le plus Sud- Américain de nos jazzmen a travaillé avec d'autres grandes voix(Judy Niemack, Jakie Renard ou Mary Kay) et a collaboré avec des pointures (Kenny Wheeler, Lee Konitz, Toots Thielemans, Randy Brecker, Nathalie Loriers, Jacques Pelzer etc...).Tous admirent son jeu élégant, sensible, expressif et racé.
A la contrebasse:Christophe Devisscher , discret, mais oh combien performant.Lui aussi, compte des centaines de collaborations: Gino Lattuca, Pascal Schumacher, Ilse Duyck, Alexi Tuomarila...
Sans compter ses incursions du côté de la pop ou du rock:Patrick Riguelle, Neeka, Wigbert...
Pour la fine bouche, on a conservé bien au chaud, monsieur farces et attrapes aux drums: Signor Bruno Castellucci. Une légende vivante, le pape des sticks, pour lequel l'encyclopédie du jazz cite 489.682 collaborations, chiffre arrêté au 31 février 2005!
A middle-aged cosmopolitan audience attend le starter,ça Babel Espanol, Italiano, English,Français,Nederlands(Den Haag), Vlaams (Zottegem), Magyar et Brusseleir et, à 21h10, ça commence à s'exciter... Sonnerie scolaire, silence dans les rangs, artistes en piste: Castellucci se faufile parmi les tables pour se coincer derrière ses fûts. Les autres se font attendre, le quart d'heure académique sans doute! Le Prince et la canne à pêche rappliquent, manque la madame!
Le propriétaire des lieux introduit le band en poussant la chansonnette... baby,it is cold outside...et voilà, en robe de soirée classe, Katalina Segura!
Feu: direction Rio de Janeiro et la samba 'Mas Que Nada' 1963 Jorge Ben!
Tout beau, tout chaud comme du Sergio Mendes.
Un bolero des Caraïbes gracieux et indolent :'Nuestra Luna', mon voisin est déjà amoureux!
Le lyrique 'Puente de los Suspiros' au répertoire de Mercedes Sosa, avant de passer en Argentine pour le tango 'Sur' chantant la mélancolie, la nostalgie, le fatum.
Un solo voce/chitarra pour entamer la danse, contrebasse et batterie viendront ajouter profondeur et rythme à cette complainte du Rioplatense.
Magique!
'Di Corazon' = tell my heart, nouveau boléro écrit par Sylvia Rexach. Mon coeur, dis moi: folie ou amour? Déchirant et languide, comme du Celia Cruz.
Pour célébrer les African roots de Puerto Rico:'El Cumbancero'. Castellucci à la fête! Vamos, Bruno...
Et un solo audacieux de Prince,un!
Une romance triste pour calmer les ardeurs (les verres sautaient sur la table des voisins): 'A house is not a home' de Bacharach/David, number one hit pour Dionne Warwick.
Amazing!
Le classique de Carlos Jobim :'A Felicidade' ... happiness is a delicate flower...nous confie la madame.
Quelques clowneries de Mr Châtelet lorsque Katalina annonce: I' ll make an attempt to sing in French..: 'La Foule' popularisé par la grande (1m 49) Edith.
Charming, darling!
Ovations délirantes, malgré ( à cause d') un délicieux moment d' hésitation.
Le trio termine la rengaine en folle farandole et Miss Segura poursuit en espagnol sous les vivats du village.
Break!
Set 2
Brouhaha infernal..Maître Castellucci, debout: chut, chut ...listen, someone is playing, en pointant vers le Visser et son archet du dimanche.. Silence carcéral et 'Besame Mucho', moins kitsch que Dalida ou Pavarotti...Bésame, bésame mucho,
Como si fuera esta noche la última vez.... Génial!
On continue dans l'exotique flamboyant 'Quizas', aussi fort, et plus pittoresque que Nat King Cole.
'Te Extraño' (= I miss you) , encore un boléro magique, digne de Luz Casal.
Let's go on a rollercoaster: OK Katalina, on te suit: 'One Note Samba'.Jobim is a genious!
Vais vous narrer la genèse et l'historique du tango 'Nostalgias', Castellucci grimace' On n' est pas sorti de l'auberge'. Le fier hidalgo , pour oublier la belle a décidé de se noyer dans l'alcool.. quiero emborrachar mi corazon... toute l'âme de Gardel.
Dramatique!
Sting en espagnol 'Fragilidad' , solo brillant pour chaque instrument. Bouleversant!
Le classique de Gaetano Veloso 'Cucurucucu Paloma' impose le silence, et te donne la chair de poule.
On termine le set par ' La Pulpera de Santa Lucia' une valse/tango d'Ignacio Corsini, à propos d'une serveuse blonde et de ses amours platoniques avec un guitariste du coin. Le Bruno, inspiré par la tragédie, te sort vanne sur vanne. Sombre âme latine à fleur de peau, déterminisme... Jorge Luis Borges et la tragédie argentine.
Pause cerveza et set 3!
Toujours Bruno, le curé, pour quérir le silence: le petit Marcel attend sa maman à la caisse onze! Hilarité, objectif atteint et 'Agua de Beber' la bossa nova de Jobim! Colossal!
La suivante est Jean-François's favourite ' Caseron de Tejas'. Lent, triste , décoré d'un jeu cristallin.
Pure merveille!
'La Ultima Noche' rythme endiablé pour finir en cha cha cha!
Una zamba de Buenos-Aires ' Alfonsina y el Mar' .Hommage à Alfonsina Storni Martignoni , poétesse légendaire, qui se suicide en 1938 en se jetant en mer à Mar del Plata. Beau comme du Pablo Neruda.
Il va être minuit, we have to play the last one, on reprend 'Mas Que Nada', classique des classiques voyant un Castellucci déchaîné et un JFP inspiré!
Apothéose d'un grand concert?
Le Village n'est pas rassasié: bis, please!
En duo Prins/Segura, le fabuleux et tendre 'The Nearness of You' 1938!
J'en pleure encore!
On va pas se quitter en pleurnichant, on reprend 'La Ultima Noche', un feu d'artifice speedé!
Tu quittes le village pour la froide Noche de Bruxelles, un sourire béat aux lèvres!