samedi 29 novembre 2025

Heeka au centre culturel Le Cap de Plérin, le 28 novembre 2025

 Heeka au centre culturel Le Cap de Plérin, le 28 novembre 2025

michel

En partenariat avec  le festival Les femmes s'en mêlent, le centre culturel Le Cap de Plérin, accueille Heeka.

Une prestation solo ce soir pour  Hanneke Hanegraef, alias Heeka, née à Wilrijk ( Anvers) mais établie à Toulouse.

Hanneke était âgée de quelques 18 mois quand papa et maman décident de quitter l'Escaut brumeux pour s'établir dans le Gers, ce qui explique une connaissance du français encore plus remarquable que celle de Jodie Foster.

Le label nous rappelle son passé de  circassienne, dans les airs, elle pouvait cacher sa timidité, en feuilletant les gazettes du Gers, tu retrouves son nom en tant que musicienne   à l'affiche des Fêtes de la Musique de Fleurance ( le 21 juin 2018).

 Les voltiges c'est terminé, son nouvel univers, c'est le folk et le blues, elle avait appris à jouer du piano, désormais elle maîtrise la guitare et chante.

On la voit sur scène seule ou accompagnée de  Mister Quintin.

Puis viennent les premiers  enregistrements, en 2019,  les morceaux  'Take it easy', 'Rainy Winter' et 'Useless', ils sont  suivis par l'EP ' Black Dust', un chroniqueur  pas sourd et fan d'Antoine de Saint-Exupéry  constate: musique parfaite pour vol de nuit à quatre mètres au-dessus de la vie!

2024, sortie de l'album '  The Haunted Lemon' .

 Heeka s'est fait un nom et assure l'avant-programme de ' stars' :  Shannon Wright, GA-20, Mademoiselle K, elle  est invitée en festival.

Après son set solo en forme de coup de poing, elle nous confie que lorsqu'elle est accompagnée de trois musiciens, la formule est nettement plus rock... il faudra un jour assister à un tel événement!

Nous ne sommes guère plus nombreux que 35 curieux dans la belle salle de Plérin, tu vises la scène: trois guitares, une loop station et une lumière tamisée émanant de lampes de chevet  achetées lors d'  une brocante à Lectoure.

Après de courtes allocutions de responsables du CC, Heeka sort de coulisses, vêtue d'un chemisier aux couleurs du Beerschot,  d'un short élimé et de bottines blanches , elle ramasse une de ses guitares, place quelques accords austères, et d'un souffle   brumeux murmure 'Look in his eyes' , la voix chevrote, vibre et vient  chatouiller ton âme.

Le jeu minimaliste et lent de ce dark folk gothique et  plaintif  a tôt fait de t'envelopper pour te transporter  dans des  lieux lugubres, où des sépultures abandonnées, couvertes de lichen , n'ont plus été fleuries depuis des siècles.

Soudain le morceau change de cap, la voix monte d'un ton, la guitare grésille et Hanneke déambule de long en large en malmenant son instrument, l'explication se trouve sur l'album, look in his eyes est une suite comportant deux parties distinctes, la seconde étant nettement plus venimeuse.  

Elle enchaîne sur ' Your misery', un downtempo interprété d'une voix toujours aussi vacillante .

T'en as connu des écorchées  qui t'ont refilé la chair de poule: Karen Dalton, Kaz Hawkins, Nina Simone, Cat Power, Hanneke est du même acabit.

Tu écoutes religieusement   en évitant  de faire craquer tes doigts ou de renifler, cette fille impose le silence.

Elle a empoigné une Gretsch rouge, nous confie avoir dit adieu à sa longue chevelure depuis peu, ..il faut que je m'habitue à cette nouvelle coupe... ( qui lui cache souvent les yeux) , voici  'Nice try', composé pour ceux qui comme moi ne mesure pas plus d'un mètre 54.

Un phrasé scandé, une guitare saturée, bourrée d'effets, ce folk blues hanté n'a rien à envier à  David Eugene Edwards et évoque une PJ Harvey époque ' Dry' .

Après un cri poignant, le morceau se termine en queue de poisson. 

Elle nous laisse à peine le temps de reprendre notre souffle, tapote sa guitare  puis d'un timbre heurté entame le gospel  névrosé 'Never alone'.

La guitare résonne, elle pince les cordes sans douceur, paupières closes elle narre son histoire de monstres .

Merde, une vilaine araignée vient de se hisser sur ton pied gauche,  l'angoisse!

A l'acoustique  et en douceur, elle entame ' Black dust' .

Quand il faut rester conforme à la normale, des particules noires viennent  couvrir ton âme.

Comme des grains de poussière, des notes rares sont parsemées ça et là , elle chuchote, frémit, prie, vocalise,  nous émeut, puis nous fout les jetons quand d'une voix sombre elle indique ...I'm gonna shoot you...

Un titre intense qui agresse les  viscères. 

Retour de la Gretsch, et des effets crissants, sur le rock  secouant  'The blue door' , la guitare joue à l'élastique, avant de gronder salement, le  chant suit le même chemin, Heeka vit son morceau  à fond  et nous, pauvres humains démunis, on essaie d'éviter les balles sifflant à nos oreilles.

Comme si de rien était, titre achevé, elle nous sourit pour expliquer la genèse de 'Rocks have memory', inspiré par Piers Faccini et composé lors d'un séjour dans les Cévennes. 

Les montagnes ont-elles une mémoire, se souviennent -elles des randonneurs ayant piétiné leurs sentiers, des alpinistes ayant escaladé leurs pics? 

Un bridge apaisé nous a donné l'occasion d'écouter le bruissement étouffé  d'un ruisseau  se glissant entre les hautes herbes du pâturage.

'Dancing in the dark' n'est pas une reprise de Bruce Springsteen mais une composition poignante et déconcertante aux climats changeants , c'est tellement fort que tu peux la voir, la mystérieuse  femme  dansant dans le noir aux sons de castagnettes invisibles.

Le morceau onirique 'The haunted lemon' donne son titre au dernier album  et nous conduit en douceur vers la fin du set .

Heeka  quitte ses guitares et sa place sous le projecteur, se colle à un mètre de nous pour entamer a capella, à la manière de Janis Joplin ou de tUnE-yArDs , le titre  'Prisoner' .

 Le gospel  est rythmé par une séquence participative de body tapping  et achève un  concert  en tous points remarquable

Heeka  est pour un petit temps dans nos contrées, ( notamment à Nantes), faut pas la manquer.