Heeka au centre culturel Le Cap de Plérin, le 28 novembre 2025
michel
En partenariat avec le festival Les femmes s'en mêlent, le centre culturel Le Cap de Plérin, accueille Heeka.
Une prestation solo ce soir pour Hanneke Hanegraef, alias Heeka, née à Wilrijk ( Anvers) mais établie à Toulouse.
Hanneke était âgée de quelques 18 mois quand papa et maman décident de quitter l'Escaut brumeux pour s'établir dans le Gers, ce qui explique une connaissance du français encore plus remarquable que celle de Jodie Foster.
Le label nous rappelle son passé de circassienne, dans les airs, elle pouvait cacher sa timidité, en feuilletant les gazettes du Gers, tu retrouves son nom en tant que musicienne à l'affiche des Fêtes de la Musique de Fleurance ( le 21 juin 2018).
Les voltiges c'est terminé, son nouvel univers, c'est le folk et le blues, elle avait appris à jouer du piano, désormais elle maîtrise la guitare et chante.
On la voit sur scène seule ou accompagnée de Mister Quintin.
Puis viennent les premiers enregistrements, en 2019, les morceaux 'Take it easy', 'Rainy Winter' et 'Useless', ils sont suivis par l'EP ' Black Dust', un chroniqueur pas sourd et fan d'Antoine de Saint-Exupéry constate: musique parfaite pour vol de nuit à quatre mètres au-dessus de la vie!
2024, sortie de l'album ' The Haunted Lemon' .
Heeka s'est fait un nom et assure l'avant-programme de ' stars' : Shannon Wright, GA-20, Mademoiselle K, elle est invitée en festival.
Après son set solo en forme de coup de poing, elle nous confie que lorsqu'elle est accompagnée de trois musiciens, la formule est nettement plus rock... il faudra un jour assister à un tel événement!
Nous ne sommes guère plus nombreux que 35 curieux dans la belle salle de Plérin, tu vises la scène: trois guitares, une loop station et une lumière tamisée émanant de lampes de chevet achetées lors d' une brocante à Lectoure.
Après de courtes allocutions de responsables du CC, Heeka sort de coulisses, vêtue d'un chemisier aux couleurs du Beerschot, d'un short élimé et de bottines blanches , elle ramasse une de ses guitares, place quelques accords austères, et d'un souffle brumeux murmure 'Look in his eyes' , la voix chevrote, vibre et vient chatouiller ton âme.
Le jeu minimaliste et lent de ce dark folk gothique et plaintif a tôt fait de t'envelopper pour te transporter dans des lieux lugubres, où des sépultures abandonnées, couvertes de lichen , n'ont plus été fleuries depuis des siècles.
Soudain le morceau change de cap, la voix monte d'un ton, la guitare grésille et Hanneke déambule de long en large en malmenant son instrument, l'explication se trouve sur l'album, look in his eyes est une suite comportant deux parties distinctes, la seconde étant nettement plus venimeuse.
Elle enchaîne sur ' Your misery', un downtempo interprété d'une voix toujours aussi vacillante .
T'en as connu des écorchées qui t'ont refilé la chair de poule: Karen Dalton, Kaz Hawkins, Nina Simone, Cat Power, Hanneke est du même acabit.
Tu écoutes religieusement en évitant de faire craquer tes doigts ou de renifler, cette fille impose le silence.
Elle a empoigné une Gretsch rouge, nous confie avoir dit adieu à sa longue chevelure depuis peu, ..il faut que je m'habitue à cette nouvelle coupe... ( qui lui cache souvent les yeux) , voici 'Nice try', composé pour ceux qui comme moi ne mesure pas plus d'un mètre 54.
Un phrasé scandé, une guitare saturée, bourrée d'effets, ce folk blues hanté n'a rien à envier à David Eugene Edwards et évoque une PJ Harvey époque ' Dry' .
Après un cri poignant, le morceau se termine en queue de poisson.
Elle nous laisse à peine le temps de reprendre notre souffle, tapote sa guitare puis d'un timbre heurté entame le gospel névrosé 'Never alone'.
La guitare résonne, elle pince les cordes sans douceur, paupières closes elle narre son histoire de monstres .
Merde, une vilaine araignée vient de se hisser sur ton pied gauche, l'angoisse!
A l'acoustique et en douceur, elle entame ' Black dust' .
Quand il faut rester conforme à la normale, des particules noires viennent couvrir ton âme.
Comme des grains de poussière, des notes rares sont parsemées ça et là , elle chuchote, frémit, prie, vocalise, nous émeut, puis nous fout les jetons quand d'une voix sombre elle indique ...I'm gonna shoot you...
Un titre intense qui agresse les viscères.
Retour de la Gretsch, et des effets crissants, sur le rock secouant 'The blue door' , la guitare joue à l'élastique, avant de gronder salement, le chant suit le même chemin, Heeka vit son morceau à fond et nous, pauvres humains démunis, on essaie d'éviter les balles sifflant à nos oreilles.
Comme si de rien était, titre achevé, elle nous sourit pour expliquer la genèse de 'Rocks have memory', inspiré par Piers Faccini et composé lors d'un séjour dans les Cévennes.
Les montagnes ont-elles une mémoire, se souviennent -elles des randonneurs ayant piétiné leurs sentiers, des alpinistes ayant escaladé leurs pics?
Un bridge apaisé nous a donné l'occasion d'écouter le bruissement étouffé d'un ruisseau se glissant entre les hautes herbes du pâturage.
'Dancing in the dark' n'est pas une reprise de Bruce Springsteen mais une composition poignante et déconcertante aux climats changeants , c'est tellement fort que tu peux la voir, la mystérieuse femme dansant dans le noir aux sons de castagnettes invisibles.
Le morceau onirique 'The haunted lemon' donne son titre au dernier album et nous conduit en douceur vers la fin du set .
Heeka quitte ses guitares et sa place sous le projecteur, se colle à un mètre de nous pour entamer a capella, à la manière de Janis Joplin ou de tUnE-yArDs , le titre 'Prisoner' .
Le gospel est rythmé par une séquence participative de body tapping et achève un concert en tous points remarquable
Heeka est pour un petit temps dans nos contrées, ( notamment à Nantes), faut pas la manquer.