Lescop et Jeanne Bonjour à Bonjour Minuit • musiques actuelles à Saint-Brieuc, le 14 juin 2024
michel
Un jour avant l'ouverture officieuse des fêtes de la musique dans les Côtes-D'Armor, Bonjour Minuit accueille un double plateau: Lescop et Jeanne Bonjour.
21:00, les Briochiens sont au rendez-vous, une jeune demoiselle, blonde, au visage pouvant évoquer une Virginie Effira à 20 ans, se présente.. Bonsoir, je suis Jeanne Bonjour, c'est mon nom véritable, je sais, Jeanne Bonjour à Bonjour Minuit, c'est singulier, mais pas plus que Vanessa Paradis au Paradiso.
Je suis seule ce soir , non, ce n'est pas pour vous seriner du Mireille Mathieu, c'est pour vous annoncer que mes acolytes habituels, Léo et Antoine, m'ont dit, débrouille-toi sans nous, il y a du foot à la télé.
Jeanne, de Rennes, va donc pianoter et/ou chanter sur des bandes, des titres extraits de son EP ' 13 ans' et de l'album 'Nouvelle ère', tout en nous exposant des pans de sa vie ou en nous déballant quelques vannes spirituelles, car la Miss, malicieuse, ne craint rien, ni personne, ce qui donne du piment à son show.
Après une brève intro au piano, elle quitte les touches, empoigne un micro pour se balader près des premiers rangs en chantant 'De passage', à entendre sur le LP ' Nouvelle ère'.
Un titre synth pop à la fois dansant et mélancolique, sur lequel Jeanne se pose des questions à propos de sa vie amoureuse.
C'est catchy, frais, tonique,...on sait qu'elle ne raffole pas des comparaisons avec Angèle, Suzane ou Marie-Flore, pourtant, on se promène dans les mêmes rayons.
Le midtempo ' Silence' chanté sur un mode détaché est plus profond qu'il n'en a l'air, lors d'un dernier mouvement, amorcé par une détonation assourdie, des beats soutenus changent la donne et t'invitent aux déhanchements, alors que la voix monte, monte et monte encore, pour exprimer son désarroi.
Retour au piano pour ' A mes amours' , encore un titre imprégné d'un sentiment de tristesse et d'abandon, sans tomber dans les excès qui mènent à la dépression .
Elle sourit, mais son univers baigne dans un halo mélancolique, ..où est la puissance, quand je suis dans l'errance ....confie-t-elle.
OK, vous avez encaissé trois titres déprimants, avec 'Regrets' vous allez pouvoir danser.
Saint-Brieuc bat des mains pour accompagner la confession de la belle, qui fait preuve d'une spontanéité touchante.
Après une nouveauté toujours aussi troublante, elle enchaîne sur ' Ce soir' et ses sonorités arabisantes.
Elle ajoute , avec ce titre t'as toutes les chances de pécho cette nuit, elle joue à l'allumeuse, se déhanche, sourit sensuellement, tout Saint-Brieuc craque!
J'ai repris Crip en français.
Euh, en fait il s'agit de ' Creep' de Radiohead, la cover décalée tient presque du génie.
Voilà, je vous quitte avec 'Série B', un dance track fringant.
T'as le bonjour de Jeanne, qui après ce set pétillant s'en va vendre sa marchandise au stand merch.
Lescop.
Matos prêt en moins de deux et pourtant il a fallu patienter jusqu'à 22:15 avant de voir arriver les musiciens...faut que le bar tourne!
Mathieu Peudupin avait mis Lescop en pause, il a fallu huit ans avant de le voir proposer un successeur à 'Echo', en février 2024 , la France découvre 'Rêve parti'.
Non, il ne percevait pas d'allocations chômage, Saint-Brieuc avait d'ailleurs eu l'occasion de le voir lors du Festival Art Rock avec le projet Serpent, qu'il qualifiait de groupe post-funk d'influence The Rapture.
Là, il revient à ses premières amours, la new wave saupoudrée de cold wave, qualifiée par la critique de Frenchy but Chic.
Pour la tournée de promotion il a monté un nouveau Lescop Band très performant, seul hic, il faut engager un détective branché pour retrouver le nom de ces mercenaires. A la batterie augmentée d'éléments électroniques, il a conservé le fabuleux Cyprien Jacquet (aka Wendy Killman), à la basse, au synthé et secondes voix, on a vu une grande fille, douée: Camille Frillex, le troisième élément, encore un crack, manie la guitare et des synthés et si en fin de concert Lescop a mentionné un nom, celui -ci était couvert par la musique et n'a pu être déchiffré par tes pavillons amoindris, sorry ( on avance toutefois le nom de Martin Lefebvre, un animal à sang froid).
Après une intro synthétique, suivie par des beats métronomiques, il entame 'Elle' de son phrasé caractéristique, détaché et aussi chaud qu'un glaçon perdu dans un verre de pure malt.
Ça faisait une paye que tu n'avais plus croisé la route du dandy de l'Indre ( le Brussels Summer Festival de 2017 et avant ça, au même programme que Daniel Darc, en 2012, aux Nuits Botanique) , ce premier titre t'a impressionné, et t'étais pas le seul à estimer qu'on allait assister à un grand concert.
'Exotica' confirme cette première impression,, une plage magnétique, portée par une basse tropicale. Oui, on sent encore et toujours l'influence d'Etienne Daho dans cette new wave à la française.
Sur l'album, Halo Maud donne la réplique à Lescop, sur ' La femme papillon' ce soir, ce rôle est repris par Camille.
Fallait se méfier du baiser de la femme araignée, celui de la femme papillon est tout aussi empoisonné.
Un grand titre pour lequel l'élégant chanteur adopte une gestuelle de lépidoptère, empruntée à Annabelle Moore, que tu peux admirer dans la Butterfly Dance.
Un saut dans le passé avec 'David Palmer', un premier titre voyant apparaître la guitare.
Rien que pour la première ligne... Il ressemble à Pierre Clémenti... tu as apprécié ce David Palmer qui évoque Serge Gainsbourg .
Un synthé grinçant amorce 'Radio' aux sonorités 80's limpides, il est suivi par un des hits de 2012, ' La nuit américaine' qui voit le public, déjà chaud , s'embraser davantage.
Il n'y a pas que les States dans ses rêves, là, il nous emmène au Japon, après les bruits de sirènes, 'Tokyo la nuit' déboule, l'obscurité, la vie nocturne et les grandes métropoles, hantent un esprit où tout tourbillonne sur un fond post punk.
Sur l'imparable et saccadé ' La plupart du temps', il entame un nouveau dialogue avec la mystérieuse Camille, Saint-Brieuc, envoûtée, chaloupe aux sonorités de cette valse synth wave, suivie par 'Grenadine' à l'introduction majestueuse.
Même les boissons sucrées peuvent prendre une teinte sombre.
Basse et guitare en éclaireurs, Lescop bat des mains, le public l'imite, quelques effets caoutchoucs au synthé, c'est le lancinant ' Le Vent' ,qui terminait l'album de 2012, qui vient ébouriffer les cheveux.
Deux notes ont suffi, une voisine a reconnu 'les garçons' le tube du dernier album.
Petit rappel, en 1963, déjà, Richard Anthony avouait " les garçons pleurent", on est loin de l'idéal masculin, viril et insensible.
Après avoir rafistolé un micro récalcitrant, il vient chanter 'Dérangé' au milieu de la foule, des dizaines de smartphones immortalisent l'instant.
Et 'Le jeu'?
Une dangereuse chandelle, Isabelle, méfie-toi!
Dancing time pour suivre, ' Tu peux voir' avec le travail étourdissant, de celui qu'on appellera Martin aux claviers, voit la voisine de tout à l'heure transformée en danseuse étoile, sans tutu.
'Marlene' avait mis les bouts pour ne pas entendre le bruit des bottes, le chanteur rend un hommage percutant à celle qui fut 'Der Blaue Engel' .
Une séquence philosophique précède celle que tout le monde attendait, surtout celles qui sont à la veille de passer le bac, Lescop est facétieux ce soir: 'La Forêt'.
Merci qui?
Marie?
Euh, The Cure, plutôt!
Fin d'un concert étoilé, pas vraiment, il nous accorde deux titres en rappel: le mélancolique 'Rêve parti' et ' Un rêve' une tuerie pondue en 2012.
D'après Lescop, à La Cigale le public était survolté , ici, à Bonjour Minuit tous les plombs ont sauté !