Fingers and Cream et Moundrag à la Brasserie Pizzeria le Maestro à Lannion, le 15 août 2019
Février 2019, Carine Le Meur vient d’ouvrir le Maestro dans une des plus vieilles maisons du centre-ville de Lannion.
Oui, et?
Carine est non seulement une compatriote, mais également l'épouse de Jean-Luc, ingé- son de quelques bands du coin, tout naturellement le couple a décidé d'organiser des concerts dans leur accueillant établissement.
En ce 15 août, 227e jour du calendrier, instauré en 1582 par Grégoire XIII, ennemi juré des hérétiques, où les catholiques célèbrent Marie, le Maestro invite deux groupes à distraire la clientèle de l'antique édifice de la rue des Chapeliers: Fingers and Cream et Moundrag!
Fingers and Cream, tu te dis qu'avec une immatriculation pareille ils doivent être plusieurs: auriculaire, majeur, index et les autres, plus la chantilly, et bien, non, Iolo Gurrey ( vu récemment avec The Chapas) est seul à bord.
Le garçon a déjà pondu trois EP's sous l'étiquette Fingers and Cream, il n'a pas toujours été seul à ramer, la barque ayant, à une époque, été occupée par cinq godilleurs.
Depuis 2017, le loup de mer a repris son voyage en solitaire, écrit de nouvelles chansons, il promet la sortie d' un nouvel enregistrement avant que le petit Macron ne vienne nous présenter les voeux présidentiels.
Armé de deux guitares, d'une grosse caisse, d'un tambourin ( manié du pied), d'un harmonica et d'un jeu de pédales lui permettant l'usage de boucles, Iolo va captiver les consommateurs de pizzas pendant 45', en incluant pas mal de nouveaux titres dans son répertoire.
Bien calé sur son siège, à un mètre 75 du public, il démarre par 'Empty thoughts', un légume primeur.
Si avec les Chapas, le garçon se démène comme un forcené, Fingers and Cream oeuvre dans un autre registre, plus serein. Cette première plage, à la longue intro, peut être taggée de folk atmosphérique.
Un gars, pas idiot, cite Nick Drake, on ajoutera d' autres illustres disparus, Elliott Smith, Tim Buckley ou John Martyn.
'Out in a blue sky', datant de 2013, démarre en mode mineur avant de voir le tempo s'accentuer grâce au foot drumming.
Il émane une certaine nonchalance, aux relents Tony Joe White ou J J Cale, de ces accords de guitare et de ce timbre mélancolique.
'The river you crossed last night' est prévu pour le prochain EP, il traite de mésententes conjugales et sonne comme du James Taylor, le folksy Americana leader, selon un magazine US.
Pour observer les émois de la grande ville je grimpe sur la colline... les effluves alt country de 'Down or High' ont beaucoup plu aux fans de Uncle Tupelo ou de Wilco.
Le nouvel enregistrement contiendra une berceuse sur toile de fond social, elle s'intitule 'You are my pain', aucun toubib ne pourra guérir le vague à l'âme qui le mine.
On peut toujours lui conseiller la Jupiler.
Deux nouveautés, encore, le sobre 'I try not' qui évoque John Mellencamp et ' Colourblind' voyant l'apparition d'un harmonica.
Des paysages de désert poussiéreux viennent encombrer ton écran cérébral, c'est une évidence , ce ne sont pas les embruns marins qui hantent ce gaillard nourri à Bob Dylan, Mink De Ville ou John Prine.
Dans la suivante ( ' Bullets in my head'), il est question de maffia et d'honneur et c'est avec ' Baby blue', une longue épopée vers le Nord, supposé accueillant pour les candidats réfugiés, que prend fin le voyage dans l'univers cotonneux du singer-songwriter trégorrois.
Les déménageurs se sont montrés diligents, le duo Moundrag prend place après un blanc d'une dizaine de minutes.
Le groupe de Paimpol, Smooth Motion, étant en pause carrière, les frangins Goellaën-Duvivier, Camille aux orgues et Colin à la frappe, décident de monter un duo progrock aux saveurs seventies non feintes.
Des gens citant Yes, ELP, ou le Genesis, époque Peter Gariel, comme influences ne risquent pas de te bassiner avec du rap fétide à la Maître Gims, Bigflo et Oli ou Youssoupha, leur truc c'est 'Tarkus, 'Close to the Edge' ou le 'Carmina Burana' version Ray Manzarek.
En mai, Camille Saint-Saëns et Colin "Cozy" Powell ont sorti un premier EP, quatre titres, ( +/- 20'), avec une belle pochette digne de Hipgnosis.
'The Rider' ouvre, tu te souviens du fabuleux 'Riders on the Storm' des Doors, tu y ajoutes une pincée de Brian Auger, du Atomic Rooster, une cuillère à thé de Argent, et tu obtiens un mix Hard Progressive Heavy Psych, comme ils le décrivent sur leur page facebook, brutal et secouant.
Ces mecs ressuscitent Keith Emerson, mais pas Greg Lake, Carl Palmer devrait venir les voir sur scène.
' Last Man' est tout aussi percutant , les vocaux évoquent l'angélique Jon Anderson. Bill Bruford et Tony Kaye s'en donnent à coeur joie, ça cogne dur et les effets de moog, de mellotron ou d'orgue Hammond, devraient ravir tous les gens aimant un rock préférant la complexité au détriment du sempiternel couplet/refrain/couplet.
L'échevelé 'Hangman' et ' My Woman' bourré de figures libres, allant du requiem, au nocturne en passant par des envolées Van der Graaf Generator, se succèdent. Les cousins de Laurel et Hardy se sont laissés prendre et ont applaudi plusieurs fois à mauvais escient, pensant que la plage était terminée.
Le duo enchaîne sur 'La poule', un rondo qui éveille en toi des images de Greenslade ou Beggars Opera, des groupes tristement oubliés.
Tu réécoutes toujours avec plaisir ' Act One' ou 'Waters of Change' du band écossais.
'The priest and the whore', quel programme...I want to tell you a secret... sur un ton Peter Gabriel, nous narre les relations de la dame de petite vertu et de l'homme de Dieu, tandis que sur la piste de danse une marionnette désarticulée, ayant ingurgité quelques capsules, t'invite à l'accompagner dans un pas de deux.
T'avais oublié tes ballerines à Lausanne, tu as décliné son offre, alors que dans son coin, Colin Maillet nous balance un solo digne de Ginger Baker.
Jeunes gens, le trip arrive à son terme, voici ' Money'.
Oublie Abba ou le Floyd, cette dernière salve est composée de cavalcades effrénées, d'arrêts brusques et de reprises sauvages, un exercice non recommandé par l'instructeur de l'auto-école qui prône une conduite en douceur.
Moundrag sera aux Routes de Lanleff le 7 septembre.