lundi 21 novembre 2011

Yes à l'Ancienne Belgique, Bruxelles, le 20 novembre 2011

La première fois que tu vis Yes sur scène remonte à la préhistoire: le 9 août 1969 au Jazz & Blues Festival de Plumpton (regarde l'affiche: les Who, King Crimson et...Wallace Collection!).
Une claque monumentale, on n'utilisait pas encore la marque 'progrock' à l'époque, mais t'avais l'impression d'avoir entendu un truc pas banal, sans parler de l'aura de Jon Anderson et son timbre inimitable, flanqué de Chris Squire ( bass, seul membre original ayant accompli tout le parcours)- Peter Banks (guitar) - Tony Kaye (keys) et Bill Brufford (drums), il a ébloui la foule massée sur le Plumpton Race Track.
D'autres concerts ont suivi, pour toi le dernier remonte à un gig à Forest National avec le Russe Igor Khoroshev aux claviers.
Revoir Yes dans une salle de petite dimension et avec un nouveau CD dans les bacs, après un hiatus de 10 ans, s'imposait à toi lorsque tu consultas l'agenda de l'AB!

19h25', file Boulevard Anspach, pourtant le concert n'est pas sold-out.
Les fans, des jeunes de 55 à 69 piges, tiennent à arriver tôt pour se coller face au podium et retrouver leur glorieux passé, c à d la chevelure hippie, la fougue juvénile, le make love not war ( le SIDA n'avait pas encore été inventé) et d'autres images d'Epinal légèrement jaunies... Ne ris pas, ça va t'arriver un jour!

20h05', lights off, une bande sonore à base de fifre- tambour, une musique de parade grandiloquente, puis un tonnerre d'applaudissements... yes, Yes on stage!
Yes 2011= Chris Squire (bass, vocals)- Steve Howe ( guitars,
Spanish laúd, backing vocals)- Alan White, vise mon nom sur la grosse caisse - le revenant ( 1980/81) et superbe, Geoff Downes aux claviers et celui qui a la lourde tâche de remplacer l'irremplaçable Jon Anderson, aux vocals, le gamin canadien: Benoît David, ex-chanteur du tribute band 'Close to the Edge'. Le petit David officie également au sein de Mystery, un progrock band du pays de la feuille d'érable.

C'est parti, avec en background sur écran géant les visuals de Roger Dean, créateur des pochettes de Yes depuis 'Fragile' en 1971, le monstrueux ' Yours is no disgrace'.
Face à toi, Steve Howe, un vieillard décharné, aux cheveux filasses et petites lunettes de Tournesol absent mais qui n'a rien perdu de sa maestria.
Son jeu technique reste époustouflant.
Ce classique du répertoire Yes a vite fait de rassurer les diehard fans: harmonies vocales impeccables, maîtrise instrumentale bluffante et un Benoit David, qui loin de singer Napoléon Anderson, quoique aussi minuscule, tire admirablement son épingle du jeu.
Explosion admirative!
Avec 'Tempus Fugit' tu te rends compte que le son Yes doit presque tout à la basse phénoménale de Squire qui en profite pour nous demander de saluer le retour de l'ex Buggles/Asia, Geoffrey Downes.
A deux mains j'applaudis!
Un roadie refile un luth à celui qui remplaça Tony Banks en 1971: 'I've seen all good people', démarrant par une partie d'échec 'Your move' et quelques relents 'Give peace a chance' avant d' aborder la seconde phase de la suite, décorée de handclappings, sans oublier la répétition addictive de la phrase...
I've seen all good people turn their heads each day so satisfied I'm on my way... que le nain David récite aux côtés du géant Squire.
Superbement complexe!
A folky ballad au menu: 'Life on a film set', une première salve tirée de 'Fly From Here' (2011).
Une acoustique pour le lead singer et un travail énorme du chevalier rouge, Geoff Downes.
Annonce en acadien: voici un titre vieux de 40 ans, dédié à tous nos êtres chers.
Plus de dix minutes, 'And you and I' , OK c'est dur à digérer sans le trémolo caractéristique d'Anderson, mais la majesté de la composition nous a laissés pantois. Steve Howe switche constamment d'instruments: guitare, pedal steel, guitare sur pied... Squire y va de quelques lignes d'harmonica, le magicien Downes virevolte à droite, à gauche, il est encerclé par tout un attirail de claviers, synthés, moog, mellotron, White turbine sans rechigner et le gamin s'intègre parfaitement dans la famille.
Un final théâtral et Bruxelles, qui s'est recueilli sans broncher, peut laisser éclater son enthousiasme.
On va se calmer et vous laisser avec papy Steve et son acoustique, a galliard digne de John Dowland: ' Solitaire', suivi de 'Clap' en fingerpicking, un titre inspiré par le guitariste Davy Graham.
Retour de la clique qui se décide à nous servir le plat de résistance, six services: ' Fly from here' composé avec l'ancien compère de Geoffrey, Trevor Horn qui a produit la plaque!
"Ouverture- We can fly- Sad night at the airfield- Madman at the screens- Bumpy ride et We can fly (reprise)".
Pour la dixième fois, le roadie, jolies jambes velues de rapper recalé, s'amène au galop pour remplacer la gratte du professeur.
Sur fond de claviers mélodieux, le savant fou nous tricote un chandail hispanique, l'aède du Saint-Laurent s'immisce dans l'épopée et pendant 20' tu traverses 26 océans, survoles tous les continents, combats des monstres marins, croises quelques types fêlés, pour finir ton trip sur un gentil thème pastoral.
Magistral, digne des 'Tales from Topographic Oceans'!
Pour la petite histoire la genèse de l'imposante suite est à chercher du côté des Buggles, en 1981 Horn et Downes avaient pondu une démo qui a servi de brouillon pour ' Fly from here'.
Tout le monde attendait ' Wonderous Stories', personne ne fut déçu.
Brillantes harmonies vocales pendant 'Into the storm' , basse ronronnante, drumming binaire et échappées aériennes de Howe.
Place au lourd, 'Machine Messiah' ( 'Drama' 1980), un des titres les plus heavy et noir enregistré par le band.
Howe goes metal sur fond de prière Black Sabbath..
Hold me, machine messiah
And show me
The strength of your singular eye...
On arrive à la fin de la messe avec un autre classique : ' Starship Trooper', pendant lequel Squire arpente la scène de long en large tout en frappant sa Rickenbacker.
J'arrive suggère Downes, en se promenant avec un keytar emprunté à Herbie Hancock.
Le vaisseau vire jam spatiale, qu'ils achèvent à quatre au garde-à-vous devant la batterie d'Alan White.
Howe décide d'en rajouter une petite couche pour arriver à 2h de show!

Ovation immense!

Bis
Tout le monde sait que ce sera 'Roundabout'.
Intro andalouse, sans frites: gagné!

Verdict: la magie n'y est peut-être plus comme en quatorze, mais Yes reste un putain de bon groupe!