samedi 25 janvier 2020

Taxi Kebab + Ko Shin Moon à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 23 janvier 2020

Taxi Kebab + Ko Shin Moon à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 23 janvier 2020

Pour le premier concert de 2020,  Bonjour Minuit invite les fidèles sur le dancefloor, si t'avais répété tous les pas appris lors de la prédominance de l'eurohouse, tendance italo disco ( Gala, Gigi d'Agostino, Corona, Haddaway, Ace of Base et  autres faiseurs, spécialité soupe en brique farineuse à souhait), tu t'étais trompé d'adresse.
Taxi Kebab et Ko Shin Moon pratiquent tous deux un world electro, déroutant et vachement addictif.


 Taxi Kebab est originaire de Nancy et jusqu'ici Lea Jiqqir  et Romain Henry n'ont sorti qu'un seul single, 'Lmchi w Rjou3..
Leur renommée naissante, pourtant,  a déjà largement dépassé les limites de la Lorraine, le duo multiplie les concerts aux quatre coins de l'hexagone, le reste de l'Europe ne va pas  tarder à découvrir leur psyché désoriental ( marque déposée).
 Lea Jiqqir ( plasticienne, ex-chroniqueuse rock) , 1 mètre 54, c'est une voix unique, les intonations gutturales du darija te refilent maintes fois la chair de poule, à l'instar du chant, aux sonorités pourtant différentes de Laila Amezian, entendue plusieurs fois à Bruxelles, mais  aussi une guitare acerbe ou un buzuq électrifié.
Oui, Bachir, un buzuq?
Une sorte de bouzouki ou de saz dont  Matar Muhammad était un des plus grands adeptes.
Romain, bonnet marin made in China  avant l'arrivée du coronavirus, manie une machinerie analogique à faire baver les apprentis sorciers techno.
21h pile, Romain manipule le synthé pour produire quelques effets venteux, Lea y va de vocalises orientales, c'est parti pour une heure de chaâbi, greffé sur des rythmes électro.
Une guitare post punk agressive ajoute une touche rock incisive à la première salve. 
La setlist, aperçue de loin, annonce 'Al kalimat Al 3abira', un desert blues aussi psychédélique et obsédant que le cocktail proposé par Tinariwen. 
En fermant les yeux , même en n'ayant pas touché à la chicha, tu te retrouves en état de transe, qui te permet de communiquer avec l'invisible et les esprits de tes ancêtres.
La litanie suivante ( ' Sheher'?)  est apte à te transformer en shaman ouzbek.
Tu sais que Yasmine Hamdan a enregistré un album intitulé ' El Jamilat', pour terminer cette plage envoûtante, Lea  dépose la guitare pour tapoter un bendir.
Ensorcelement garanti!
Pour la suivante , le single  'Lmchi w Rjou3',  après avoir déposé sa guitare sur le support,.la jeune femme a saisi le buzuq.
Ce titre est sans conteste un des morceaux phares du set.
 Le fond répétitif produit par le synthé, les teintes arabisantes du buzuk, de temps Lea vient frotter la gratte, bien sage sur le reposoir, pour produire des effets métalliques, et le chant profond et lancinant  te transportent loin du pays breton pour te déposer dans une palmeraie du côté de Ouarzazate.
Leyla' et ses gros beats et une nouveauté, bourrée d'écho sur la voix, mettent fin à une prestation exemplaire.
Le taxi de Nancy reprend la route fin février, ils seront le 21 à Pau au Carnaval Biarnés - Serada Carronha

Les techniciens au taf, un imposant ensemble robotique est déposé sur une table de cantine, deux ou trois instruments plus classiques compètent l'attirail (  oud, flûte , keytar..).
22:45, un duo rapplique, ils doivent revenir d'un séjour polynésien, au vu de leur garde-robe, ta voisine a flashé sur les pompes scintillantes,.
 Axel Moon  et  Niko Shin ont déjà trois albums à leur actif.
En 2018, ils étaient au Bozar ( Bruxelles), le flyer disait ...
Cosmopolitisme, états liminaires et transcendance ( euh, on n'a pas fréquenté le même cours de philo, de toute façon, on préférait le foot) : tels sont les crédos de Ko Shin Moon. Formation française, adepte d’expérimentations ethno-musicales et éclectiques - née à Paris de la fusion artistique entre Axel Moon et Niko Shin -, elle cherche à repousser plus loin les limites de genres en mélangeant sonorités traditionnelles et performances analogiques...
Les présentations sont faites, on ajoute un détail, le patronyme serait emprunté à Haruomi Hosono ( Yellow Magic Orchestra) pionnier de l' exotica orientaliste électronique.
Pas de setlist, tout est dans l'ordi.
Axel, l'ethnomusicologue, entame la première mosaïque exotique à la flûte, son associé élabore un fond ronronnant  qui se transforme en beats techno, l'approche amazonienne est abandonnée lorsqu'  apparaît  un bendir, ou un tar, enfin un membranophone , l'Orient est en vue, mais soudain, Niko abandonne le tambourin pour se la jouer Herbie Hancock au  keytar.
Le cocktail est loin d'être désagréable, à tes côtés trois nanas, pas repoussantes et carburant à haut régime, ont déjà esquissé un Raqs Sharqi occidentalisé.
Apparition du luth arabe, la bande envoie des vocaux trafiqués, ton cerveau avance Transglobal Underground, sans Natacha Atlas, la cosmic trance a repris.
La suivante, tout aussi éclectique est émaillée de lyrics visionnaires.
 Originaires de Paris, dans une sombre ruelle  les lunaires ont probablement aperçu la plaque émaillée portant l'expression ' gaz à tous les étages', c'est devenu... je n'ai pas besoin de gaz qui fait rire...,  les militants écologistes, eux, auraient préféré ne pas être aspergé de lacrymogène.
Direction le quartier d'Osmanbey à Istanbul, c'est là que nichent les meilleures discothèques, tu peux y danser sur Gaye Su Akyol ou sur l'extravagant  BaBa ZuLa.
Après ce titre marathon, les voyageurs reprennent leur bâton de pèlerin pour explorer d'autres horizons avec en leitmotiv la formule lapidaire...c'est la couleur bleue...
Oui, Christophe, si tu veux, dis-lui les mots bleus ...
Revoilà, la flûte, elle nous la joue El Condor Pasa, changement de cap, le keytar singe la trompette de  Miles Davis. Ces mecs sont insaisissables , leur imagination et leurs collages dépassent tout ce que Dada a pu concevoir.
Si tu oublies les barmaids, tout le club danse, du coup on nous balance un discours philosophique dans le but d'exorciser les esprits du xxè siècle.
Il en reste une pour terminer la soirée, un dernier morceau extrait du répertoire turc à la sauce techno.


Saint-Brieuc en veut plus, le duo se voit obliger d'ajouter un verset sonique à son chapelet bigarré.
Et David  de lancer ...  Put on your red shoes and dance the blues...