lundi 3 février 2014

Taraf de Haïdouks - Astrakan Project au CC René Magritte, Lessines, le 2 février 2014

Lessines, c'est en Roumanie?
T'es biesse,
C'est pas parce que Taraf de Haïdouks fait escale en Hainaut Picardie, que tu dois déplacer le bourg dans les Carpathes.
Combien de pattes?
T'es plus que biesse, t'es taré!

18h, disait l'affiche, le carillon de Saint-Pierre sonne six fois, tu t'immisces dans une file imposante attendant le bon vouloir des préposés aux guichets du CC René Magritte.
Plus de trente minutes avant de pénétrer dans la salle, les derniers arrivés se trouvaient encore à hauteur du fritkot situé à 500 mètres.
Gros remue-ménage, des citoyens pas tout jeunes agrippent les chaises planquées dans le hall pour les installer n'importe où dans le complexe, d'autres clients optent pour la station debout, tous se mélangent, atteindre le bar relève de la mission impossible.
Explique, Myriam!
Les Tarafs se sont pointés en retard, panne de minibus, ze große bordel!

18:45' Astrakan Project sur scène!
Un duo, rescapé de l'ère Woodstock, ongles bleus, hippie hair style, fringues baba cool.
 Yann Gourvil, le mec - Simone Alves, la nana, sont originaires de Bretagne, ont participé à divers projets musicaux dans le pays de Bernard Hinault, puis sont partis humer l'air en Turquie pour finalement installer leur tipi chez les Grecs.
Après le gig, ils vendaient, contre monnaie trébuchante et pas du fromage de chèvre, leur album Astrakan Project!
Au menu de ce soir, neuf titres qu'il serait malaisé de cataloguer comme allègres, il s'agit de traditionnels bretons chantés en brezhoneg, me demande pas si la couleur locale avait des teintes trégorroises, vannetaises ou plutôt cornouaillaises, suis du genre béotien, toujours est-il que ces chants lugubres psalmodiés d'un timbre pur par Simone reposent sur un  fond sonore mixant instruments à cordes ( guitare acoustique, normal, et plus excentrique pour l'Ouest français ( Vive la Bretagne Libre fulmine un membre du pobl, Parti pour l'Organisation de la Bretagne Libre..), l'oud et le bağlama) et éléments électroniques, Simone se contentant de faire retentir de fines clochettes ou de secouer un tambourin ayant appartenu à Janis Joplin.
' 1932', misère, récoltes anéanties, famine, chômage et autres avanies... une complainte lancinante et intéressante.
Ce sera le seul titre mentionné, Simone ayant décidé de laisser place à l'émotion et à la musique.
Encore un titre à la guitare, puis une lamentation ( peut-être 'Barzh an ifern')   dotée de coloris orientaux de par l'usage de l'oud.
Même instrumentation plus quelques clochettes, un nouveau lament arabisant. ( 'Kreñv ‘veld ar garantez' ?)
Le bağlama à trois cordes pour ébaucher une autre mélopée  puis une danse, 'Twist en-dro', narrant  les désarrois d'un célibataire.
Nouvelle expédition du côté du Bosphore puis le 'Tri Martolod An Oriant' que tu connais par Alan Stivell et, enfin, un dernier aria sombre, relatant  on ne sait quelle infortune  affligeante.
Avec l'Astrakan Project on  est loin des ambiances festives, pas vraiment le groupe qui fera danser la foule au fest-noz de Ploumanac'h, mais leur trip interpelle!

Bye, bye la Bretagne, bonjour Clejani, les plaines du Danube, les enterrements ou les mariages  arrosés au țuică et bien sûr, la gloire locale depuis sa performance dans Latcho Drom de Tony Gatlif:  Taraf De Haïdouks!
Ce  soir ils ont ( après de très longs préparatifs) débuté à onze, ils seront rejoints par une chanteuse, ayant vécu, pour un ou deux titres, après le break, un pépé ayant plus ou moins dessaoulé les rejoindra, et en fin de set une gitane ( Anjelica) inconnue de l'ancêtre présentant la troupe poussera la chansonnette.
Te nommer les membres est un défi que l'on ne relèvera pas, l'organisateur reçoit un line-up avant le show, le jour même, t'as trois musiciens de plus et pas ceux annoncés... tous des virtuoses de 25 à 85 ans, quatre accordéons ( deux aïeux plus sérieux qu'un pape constipé, deux comiques), trois violons, deux jeunes pousses et un sexagénaire semblant diriger la bande de brigands, une flûte ( le facétieux mafioso Gheorghe Falcaru) , une clarinette bulgare ( Filip Simeonov), une contrebasse et un cymbalum, l'époustouflant Ion Tanase.
Pendant près de deux heures ( deux sets) cette troupe hétéroclite aura transformé la salle en fiesta Rom turbulente.
Dès l'entame, violons et accordéons te saisissent par le bras et entament une folle cavalcade, le mirliton voltige, puis un violon décide de déserter, la rythmique est tenace, ça virevolte de partout, tu ne sais où braquer les yeux.
Une seconde salve tout aussi déglinguée  et décorée d'un mouvement Johan Strauss nous éloigne définitivement de notre sage pays pour nous déposer du côté de la Valachie.
Changement de cap, un chant nostalgique psalmodié d'une voix brisée, accélération brusque, Lessines bat des mains, le chanteur se fait véhément avant de terminer son laïus.
Ballades et danses infernales se succèdent, Gheorghe,  le colibri, en fait des tonnes et excite les photographes, il aura droit à cinq minutes de repos pendant un lament larmoyant chanté par un des doyens.
Puis vient le tour de la romanichelle aux dents en or, elle entame une mélopée sensuelle et ensorcelante avant de regagner les coulisses.
Polkas endiablées, rythmes effrénés, visions de derviches tourneurs, mélodrames gitans, ballades langoureuses, un olé pour nous inviter à applaudir davantage, une dernière sarabande frénétique , puis le chef annonce une pause pub.
Les Roms ont soif!


Second set.
Il débute par une romance plus sentimentale que 'Les roses blanches', le pathos est à couper au hachoir de boucher.
Assez pleuré, bonnes gens,une version gypsy de la danse des Cosaques.
Tu viens de remarquer que certains soldats manquent à l'appel, le flûtiste farfelu est resté au bar, l'accordéoniste austère s'est endormi sur sa chaise dans la cuisine.
Tu recomptes l'armada, dix, ils sont...Pasalan, 82 piges, ayant enfin cuvé les trois litres de péquet qu'il avait ingurgité pendant le voyage, s'est mis  dans l'idée de fredonner un air ou deux  au grand plaisir des spectateurs, la manager, craignant un accident fatal, vient récupérer le papy sur scène pour le ramener à la raison.
Les autres se marrent et poursuivent le périple.
Tiens, qui voilà, the Pied Piper of Hamelin, tandis que deux violons entreprennent un duel cocasse tout en rivalisant de bravoure.
La clarinette décolle, les accordéons s'agitent, le final sera épique.
Retour du onzième élément, reposé, une nouvelle danse psychotonique et apparition de la diva pour un brin de mélancolie.
Où vas-tu, Gheorghe ?
M'acheter des cibiches, tiens ma place...
Il revient avec un paquet de Gitanes sans filtre en tend une à l'accordéon installé à côté de lui.
Regarde l'écriteau, petit:  'No Smoking'.
M'en fous, sais pas lire!
Anjelica en piste.
Huston?
Non, sa cousine roumaine!
Deux gypsy pop  tunes chantés d'une voix aigüe.
Grand-mère rapplique, c'est autre chose que les jérémiades de la petite!
Encore deux derniers morceaux de bravoure avec soli éloquents, présentation   des voltigeurs et rideau!

Du grand art!

Taraf de Haïdouks se produit à Mouscron le 7 février