samedi 13 juillet 2013

Gent Jazz 2013 ( day 1) , De Bijloke, Gent, le 12 juillet 2013

Edition 12 du Gent Jazz Festival, un soleil timide, le festival démarre sous les meilleurs auspices.
Comme toujours, une organisation soignée, de la nourriture de qualité, un site propre et un public de connaisseurs... nouveauté, une seconde scène: la Garden Stage qui permet aux purs et durs d'assister à des concerts pendant les temps morts sous le chapiteau de la main stage!

L'honneur d'ouvrir le festival revient au groupe ayant remporté le Young Jazz Talent Ghent contest: The Unrevealed Society!
Gregor Siedl: sax - Léo Dupleix: piano/ rhodes- Pol Belardi: bass - Jakob Warmenbol: drum.
Sont jeunes et aventureux, leur jazz contemporain n'est pas des plus faciles à digérer, les amateurs de mainstream peuvent oublier ce combo, mais si  l'avant-garde, le déstructuré, l'expérimental t'attirent, The Unrevealed Society peut constituer ta tasse de thé.
Influences citées: Deerhof/ Sonic Youth ( pas du jazz), Messiaen ( pas du jazz), Weather  Report/ Sonny Rollins... l'ambition c'est bien, mais attention au gros coup!
Sept plages jouées sans donner un titre au public, si ce n'est la dernière ( 'Nine')!
Si tu consultes leur Soundcloud, tu peux écouter 'Control Station' - 'Carpets' et ' Arrows' part 1 and 2.
Une première pièce, introduite par un piano sobre, les autres, concentrés, sont au garde-à-vous, se balade agréablement sur des sentiers cool jazz, le flow est limpide quand soudain piano et batterie annoncent un mouvement moins conventionnel, les eaux se troublent, leur jazz prend des coloris free, retour au calme, le sax se fait aérien et la mélodie s'éteint sans retour de flamme!
Intéressant.
Scénario quasi identique pour les morceauxs suivants, peu de rythme, une architecture brisée, quelques poussées de fièvre, de l'introspection, des effluves Chick Corea, un titre caoutchouteux avec un Rhodes rock.. les fervents de classicisme ont vite décroché!
Marie-Paule feuillette un magazine culinaire, Anton s'est assoupi, Rudolf se dit qu'au bar la Duvel doit être fraîche, Klaas se récure l'appendice nasal, The Unrevealed Society improvise.
Au fond, le brouet proposé convient parfaitement comme décor sonore pour un documentaire consacré au commandant Cousteau.
Que dis-tu, Vinciane?
Ce mortel ennui.
T'as lu Moravia?

Jacky Terrasson ' Gouache'.
Jacky Terrasson fête ses vingt ans de carrière.
 Pour cette tournée estivale, le pianiste franco-américain s'est entouré d'une équipe époustouflante:  Cécile McLorin Salvant (vocals), Michel Portal (clarinets), Stéphane Belmondo (trumpet, bugle), Minino Garay (percussion), Burniss Travis (bass) et Leon Parker (drums).
 Pendant près de 80', il  réjouira Gent par un set sans temps morts, il ne nous laisse même pas le temps d'applaudir, les compositions/improvisations défilent sans pause, ce qui est vachement frustrant.  C'est plus que compliqué de coller un titre sur les digressions du prodige, qui en 1993 remporta the Thelonious Monk Piano Competition, et de ses sidemen stylés.
Le set démarre par une longue phase atmosphérique pendant laquelle le piano, bien soutenu par Minino, dreadlock Burniss et Leon, folâtre délicieusement, le pianiste tisse sa toile, tu crois reconnaître quelques accents de 'Over the rainbow', mais la rengaine n'est pas mentionnée sur l'album 'Gouache'.
Insensiblement la pièce irisée vire carioca jazz, l'émule de Keith Jarrett s'amuse en utilisant quelques phrases de 'Beat it' qui traînaient sur sa palette.
 Gent vibre, ta voisine te susurre, 't is beter dan die eerste groep.
Il n'y a pas photo Madame De Ghendt, ce sont des orfèvres!
Apparition de Cecile McLorin-Salvant que les spécialistes comparent aux plus grandes, Billie Holiday, Ella, Sarah Vaughan, ils n'ont pas tort, la jeune franco-américaine est grandiose.
Une claque immense avec la reprise de John Lennon, 'Oh my love', j'en frisonne encore.
Souplesse et profondeur, une caresse!
Stéphane Belmondo sort de coulisses, Jacky vient d'entamer un Calypso/ Latin jazz rapsodique, le vétéran Michel Portal s'invite à la fête pour orientaliser l'aria, Terrasson danse sur son tabouret, Gent boit du petit lait.
25 minutes se sont écoulées sans une pause.
D'un bond l'équilibriste passe du piano électrique au Maene, clarinette et trompette dialoguent sur fond rythmique en technicolor, le pot-pourri aux couleurs Herbie Hancock, Thelonious Monk, Sonny Rollins émerveille!
Une nouvelle cartouche,  aussi fluide que techniquement impeccable, voit le pianiste chatouiller les entrailles de son instrument, Leon quitte ses caisses, se tient debout et entame un scat en se tapotant un thorax en béton des deux paumes, résultat étonnant!
L'improvisation débouche sur une version insolente et saharienne du classique ' Caravan'.
Cecile is back, le superbe 'Je te veux' sur un thème d'Erik Satie.
'Yesterdays' ( Jerome Kern & Lyrics by Otto Habach) est tout aussi somptueux.
Le band termine ce concert haut de gamme par une version émouvante de 'La Javanaise' de Gainsbourg!
Fin juillet et août, Jacky Terrasson se produit sept fois en France, un déplacement vaut le coup!


 Dee Dee Bridgewater & Ramsey Lewis
ou ... One of the legendary pianists in the history of jazz, Ramsey Lewis joined by vocal star
 Dee Dee Bridgewater, ça va faire des étincelles.
Parlons des membres du quintet de Ramsey Emmanuel Lewis, Jr., les virtuoses: Tim Gant (keyboards), Henry Johnson (guitar), Joshua Ramos (bass) et Charles Heath (drums)...l'homme, qui en 1965 a squatté le Billboard pendant des semaines avec 'The In Crowd,' a toujours su s'entourer de la crème, quant à la plus française des divas jazz, Miss  Denise Eileen Garrett, alias Dee Dee Bridgewater, il serait vain de vouloir la présenter... she is impressive!

Le band en éclaireur pour une intro groovy à souhait, les stars se pointent, Dee Dee en verve... Ramsey est un peu timide, he doesn't know Ghent... ça va changer quand il verra l'accueil!
Une version Las Vegas de 'On Broadway', Dee Dee, la jouant femme fatale, se colle au piano et drague l'élégant Ramsey, qui frôle ses touches avec subtilité.
Première séquence de scat, Gent savoure!
Je reviens plus tard, mes amis, je vous laisse avec le three-time Grammy winner.
'Brazilica' composé par Maurice White, titre que Ramsey a d'ailleurs  enregistré avec Earth, Wind & Fire.
Plus smooth que ça tu meurs, ce jazz funk te fond sous la langue, Henry (Dizzy Gillespie, Sonny Stitt, Freddie Hubbard, Grover Washington Jr... pour n'en citer qu'une poignée)  y va d'un solo stupéfiant.
'The way she smiles', on sait pas qui est cette Joconde, mais, tout Gand souriait de bonheur.
Il apostrophe la table, my piano is much too loud, moins de volume a.u.b, du coup tu peux distinguer les ébats amoureux de deux mouches à 500 mètres du podium.
C'est parti pour une romance qui insensiblement accélère, tu te ronges, Ramsey n'a pas clarifié le titre, tu crois reconnaître 'Hang on Sloopy'.
 Un doigté tout en finesse, ce mec a des phalanges de velours.
Let's welcome the lady back, ' Save your love for me' popularisé par Nancy Wilson, avec laquelle Mr Lewis a joué.
'I can't help it' de Stevie Wonder, que Michael Jackson a gravé sur 'Off the Wall', le pianiste attitré de D D, Edsel Gomez, vient remplacer Ramsey.
Du punch et de la vivacité, la sexagénaire ose un pas de danse olé olé , sort un éventail de son Delvaux, s'évente comme une duchesse hispanique et chante comme une reine.
 'Nightmoves' de Michael Franks est à mon répertoire depuis une éternité, j'adooooore!
Il y a un petit temps, suis allongée sur mon baldaquin rose, un verre de Bordeaux à portée de main, sur mon flat screen je vois, et surtout j'entends, ' One fine thing' d'Harry Connick jr..
Me dis, cette chanson est pour moi, I have to sing it!
Un blues sensuel voyant Miss Bridgewater muée en sexagénaire à la libido en éveil.
Elle devient lascive, à la limite obscène, une main frôlant des zones érogènes, à petits pas elle s'approche de l'organiste pour lui faire des avances dignes d'une péripatéticienne chevronnée.
Un grand numéro!
Bye, bye Edsel, retour de Ramsey!
Un 'Living for the city' ( Stevie Wonder) torride et turbulent qui met un terme à ce concert, tout le chapiteau debout.

Bis
Le posé 'God bless the child'!

Joe Lovano with the Brussels Jazz Orchestra

Première de 'Wild Beauty', (Sonata Suite for the Brussels Jazz Orchestra featuring Joe Lovano, arranged by Gil Godstein) l'album que le saxophoniste Joseph Salvatore Lovano, un maître du post-bop, a enregistré avec le BJO, dirigé par Frank Vaganée, l'ensemble fête ainsi dignement ses 20 années d'existence.
Les espérances étaient grandes, certains s'attendaient au nirvana.
Un critique de chez Knack Focus est ressorti passablement déçu, il doit être le seul, car tout Gand s'est levé comme un seul homme après la prestation du tenor et du big band bruxellois!
Line up: Frank Vaganee (alto saxophone), Dieter Limbourg (alto saxophone), Kurt Van Herck (tenor saxophone), Bart Defoort (tenor saxophone), Bo Van Der Werf (baritone saxophone), Marc Godfroid (trombone), Lode Mertens (trombone), Frederik Heirman (trombone), Laurent Hendrick (bass trombone), Serge Plume (trumpet), Nico Schepers (trumpet), Pierre Drevet (trumpet), Jeroen Van Malderen (trumpet), Nathalie Loriers (piano), Jos Machtel (double bass), Toni Vitacolonna (drums).
Pour la plupart des pointures, Joe leur laissera pas mal d'espace, ils pourront tous se mettre en évidence!
'Wild Beauty' ouvre.
Une plage lyrique pendant laquelle le sax vagabonde sur fond big band.
Joe prend une pause réglementaire, la guitare ( un fameux tricoteur, non repris dans le line up du band, what a shame!) prend le relais, retour du tenor poursuivant ses divagations tandis que Vaganée dirige les majorettes.
Excellente entrée en matière!
Place au débridé 'Powerhouse', à un solo de trompette pas bidon et à un impromptu de Nathalie Loriers, la touche féminine perdue dans cette bande de machos.
Joe,  pork pie hat, s'avance et y va d'une tirade devant clôturer la pièce.
'The Streets of Naples', elles sont colorées et exubérantes.
'Our daily bread', il est 5h Gent s'éveille, les boulangers font des bâtards..
Un morceau serein!
Next one is a blues track I dedicate to Ben Webster, 'Big Ben'.
Ne jamais croire un jazzman qui te dit qu'il va jouer du blues, Big Ben swingue vigoureusement, un trombone, suivi d'une trompette, nous balancent une sérénade musclée, les Brusseleirs ont tous droit à un exercice en solitaire, ils rivalisent d'adresse et de subtilité, Joe reprend les rennes, la rengaine explose en feu d'artifices flamboyant.
Une balade reposante sous les frondaisons du 'Sanctuary Park' précède le volcanique 'Miss Etna', Joe nous rappelant ses origines siciliennes, fin du voyage, n'oubliez pas le guide...

Bis
'Viva Caruso'
Un opéra, sans chanteur, présentant des touches Gato Barbieri!


Première soirée réussie,d'autres grands noms piaffent d'impatience pour monter sur la scène du Bijloke ( Diana Krall, Avishaï Cohen, Bryan Ferry, Elvis Costello e.a.)!