Robert Finley à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 21 octobre 2025
michel
Le parcours du bluesman Robert Finley, 71 printemps, est atypique.
Si ce brave homme, devenu aveugle à 62 ans, il exerçait le métier de menuisier à l'époque, a eu une guitare ( achetée d'occasion) en main à l'âge de 11 ans , il a dû attendre jusqu'en 2016 pour enregistrer un premier album.
En tant que membre de l'US Army en Allemagne, il a pu exploiter ses talents de guitariste dans le band de la garnison, un orchestre appelé à jouer dans toutes les casernes US européennes.
Revenu chez lui en Louisiane, il combine le métier de charpentier et de chanteur de rue au sein de la formation Brother Finley and the Gospel Sisters, puis surgit le glaucome à l'origine de sa cécité.
Il est remarqué, alors qu'il s'adonnait au busking , par un gars de la Music Maker Relief Foundation, qui le signe pour une tournée.
Les miracles n'arrivent pas qu'à Lourdes, il sort donc ce fameux premier album en 2016, 'Age Don't Mean a Thing'.
Dan Auerbach des Black Keys le prend sous son aile et produit les quatre plaques suivantes, la dernière 'Hallelujah! Don't Let The Devil Fool Ya' sent encore le talc.
Ce survivant, frais comme un gardon refusant la maison de repos, se tape une double tournée européenne en 2025. La première en été, la seconde depuis le 4 octobre, plusieurs dates françaises sont au programme, dont une à Saint-Brieuc (Bonjour Minuit) le 21 octobre.
En arrivant face aux portes d'entrée, tu avises plusieurs mortels tenant un écriteau ' cherche place, suis prêt(e) à vendre ma mère pour un ticket', car le show affiche COMPLET!
Dans la salle, tu remarques que le public n'est pas uniquement constitué d'individus n'ayant plus 20 ans depuis longtemps, pas mal de jeunes ont fait le déplacement, ce que Robert n'a pas remarqué, sa fille le lui a appris.
20h et des poussières, le band rapplique, et pas des idiots, car l'ancien menuisier est accompagné depuis un petit temps par les membres du groupe The Sierra Band: Liam Hart (guitare), Charlie Love (batterie), Ollie Hopkins (basse).
Les éclaireurs placent une courte intro bien classe, puis Liam nous demande d'applaudir la légende Robert Finley.
Fringué d'une chemise bariolée criarde, le longiligne jeune homme de plus de 70 balais, est guidé vers le micro par une de ses filles,la chanteuse de gospel Christy Johnson qui se charge (merveilleusement) des backings, tout en jouant à la nurse.
Il entame le set par le titre ouvrant son premier album, ' I just want to tell you' .
Si pas mal de gens cataloguent Robert d'artiste de blues, ce premier morceau doit autant à la soul qu'au genre célébré par Robert Johnson,
La voix, mature, est bien en place et évoque « Bobby Blue » Bland, Liam alterne riffs pétillants et travail à la wah wah, une basse funky et un drumming souple complètent le scénario, sans oublier les backings appropriés de Christy.
Déjà, Saint-Brieuc vibre!
Robert est visiblement heureux d'être là, il le fera savoir à maintes reprises, car le bonhomme est non seulement un chanteur à la voix exceptionnelle , il aime aussi prêcher en bon évangéliste!
Pour introduire 'Get it while you can' il s'appuie sur la citation 'Ne remets pas à demain ce que tu peux faire aujourd'hui'.
On peut être prédicateur et épicurien, rien d'incompatible.
La voix est légèrement fatiguée, ce qui ajoute du charme au rendu, une nouvelle fois, le public peut se rendre compte que le gars de la Louisiane s'est entouré de pointures.
Liam, notamment, sans faire de cinéma, nous sort des licks à faire pâlir les meilleurs bluesmen.
Avec le soulful midtempo ' Helping hand' on a droit à un premier extrait du nouvel album.
La voix rauque se balade sur un fond gospel swampy, ne reniant pas quelques touches psychédéliques.
Du bon boulot.
Tenant à peine debout, le septuagénaire, sous l'oeil attendri de sa fille, se risque à un pas de danse et à quelques mouvements pelviens ayant peu de chances de le qualifier pour danse avec les stars.
Il enchaîne sur une tranche autobiographique avec le Southern soul poisseux ' Livin' out a suitcase' avant de revenir à 'Hallelujah! Don't Let The Devil Fool Ya', avec le titre habité 'Holy ghost party', au démarrage plutôt cool avant quelques dérapages psychédéliques énervés rappelant les Chambers Brothers.
Prévenante, Christy lui apporte un tabouret.
Après un nouvel exposé social, il attaque le mélancolique ' I can feel your pain' d'une voix tellement haut perchée que tu crains une paralysie des cordes vocales.
Saint-Brieuc explose et hurle de joie!
Le lament est suivi par ' What goes around '(comes around), un titre qui sent les marais de Louisiane à plein nez et a fait danser Miss Suzie Q.
Papa fait l'éloge de Christy, son ange gardien, she is going to sing one of her songs, folks!
Silence absolu dans la salle pendant ' My father's keeper', une belle tranche d'amour filial chantée d'un timbre profond.
La ballade 'Nobody wants to be lonely' a une histoire: après une tournée, Robert ayant appris qu'un de ses amis d'enfance est hospitalisé, décide de lui rendre visite, en le voyant, le visage de ce dernier s'illumine, j'ai cru voir un arbre de Noël scintillant, ajoute l'artiste, ça faisait des mois que son copain n'avait pas eu de visite!
La chaleur humaine est une qualité ayant tendance à disparaître.
Qui chantait "What a drag it is getting old"?
Un petit cours d'histoire... Voodoo traveled to New Orleans by the traditions carried by the West African and Haitian slaves... pour annoncer 'Medicine woman', une plage qu'il avait interprétée en 2019, lors de l'émission 'America's Got Talent', il avait plus de 65 piges.
Demain, j'inscris ma grand-mère à The Voice!
On approche du terme et c'est là que le groupe attaque le morceau le plus rock du set ' Honey, Let Me Stay the Night'.
Jeanine twiste sur une surface réduite envoyant son coude gauche dans un endroit sensible de la dame se tenant derrière elle.
Robert n'a rien vu et nous raconte une nouvelle histoire ( d'amour non partagé) pour introduire le soul blues 'Souled out on you' qui peut évoquer ' When a man loves a woman' de Percy Sledge.
Il alterne les vocaux avec sa fille tandis que la guitare pleure.
Oui, Petula?
Cœur blessé, torturé par tout le mal que tu m'as fait...
Le public, lui, ne pleure pas et applaudit à tout rompre, alors que la fin s'annonce, le gospel 'I wanna thank you', qui ouvre le dernier album, termine de belle ( et longue) manière une prestation impressionnante.
Christy ramène Daddy vers les loges, The Sierra Band achève la tirade et se tire pour revenir car personne n'a quitté la salle.
One more song?
Sure, guys!
Liam à la slide amorce 'Make me feel alright' , un mix CCR/ Robert Cray, repris en choeur par un public comblé.
En passant par le stand merch tu t'es procuré le T-shirt 'Life begins at 65' !