Pony Pracht au Chaland qui Passe, Binic, le 18 mai 2025
michel
Un dimanche à Binic: du soleil, un marché des créateurs, une fête foraine, quelques travaux en amont, tu additionnes le tout et tu galères pour larguer ton tacot à proximité du port.
Sur les quais: maman, je veux une glace!
On reviendra dans deux heures, Jules, mon trésor, jette un oeil à la queue qui se traîne jusqu'à la plage de l'avant-port.
Jules boude, tu te diriges vers Le Chaland Qui Passe qui accueille une citoyenne de Leipzig, dénommée Lisa Zwinzscher, elle voyage en Europe sous le cryptonyme Pony Pracht, la splendeur du poney.
Tu connaissais The Stone Poneys, featuring Linda Ronstadt et Pony Pony Run Run d'Angers ou The Magnificent Seven par The Clash, pas question de s'offusquer pour un(e) Pony Pracht.
Avant d'élever des chevaux nains, Lisa évoluait comme Sängerin au sein du band d'indietronica Elephants on Tape, effectivement, on reste au zoo, elle prête également sa voix au Philipp Rumsch Ensemble.
Dans ses petites valises, qu'un ami charitable a aidé à trimballer, il y avait un mini synthé, un sampler, un Ponyphone pour les vocal samples, des harmonizers, un computer muni de différents algorithmes, et une petite souris pour tripatouiller les visuels projetés sur un écran archaïque, qu'un habitué des lieux a déniché dans son grenier et prêté à Arnaud qui, à son tour, a construit un montage branlant reposant sur un fût de bitter ale ( vide).
Le décor est posé, on commence dans cinq minutes!
Des doigts effleurent les touches du synthé, un autre appuie sur un pad du sampler, des voix célestes s'élèvent vers l'étage supérieur, Lisa les rejoint en gazouillant en allemand , telle une souple gymnaste, elle nous fredonne ' Trapez' en équilibre instable, normal quand on a suivi un cursus d' Improvisierter Gesang.
La voix semble émerger d'une nappe de brouillard, comme d'un rêve éveillé, oui, on collera l'étiquette dream pop sur cette première plage, sans occulter la sphère expérimentale.
Le côté éthéré se dissipe peu à peu, de gros beats germent, la voix est trafiquée par des effets reverb et en toile de fond les tic tic tic d'une horloge géante, comme dans Metropolis, se font entendre, c'est le retour de l'expressionnisme allemand.
Moins de cinq minutes se sont écoulées, nous venons de quitter une zone de confort pour nous fondre dans l'univers étrange de Pony Pracht.
Le downtempo vaguement trip hop ' Google poem' est murmuré en anglais .
Elle lève un coin du voile: it is a little autumn piece that evokes memories and tells new stories.
D'emblée un nom traverse nos esprits: Björk Guðmundsdóttir.
Les phrasés sont proches, le cadre sonore fait de couches musicales immatérielles, semblant flotter dans l'espace, et l'absence du format couplet/refrain, la comparaison frise l'évidence.
On avance d'autres artistes tout aussi vulnérables et hors- circuit commercial, comme Emilie Simon ou les islandaises hautement recommandables: Amiina!
' AICS - (The Game)' est étayé d'un support visuel surréaliste.
Lisa jongle non seulement avec sa voix, les différents supports sonores, mais doit également manier la souris qui est censée régler les images sur l'écran, I need to project the right side on the screen, sorry it takes some time!
Sur background aquatique, des violons humides épousent des vocalises spongieuses, heureusement pas d'algues vertes à l'horizon.
L'instrumental ' Fragment' est rehaussé de halètements capricieux émanant du Ponyphone, il a désarçonné la dame traversant la boutique pour se diriger vers les lavatories.
'Wie Ich Dich Halten Kann' is about a relationship and a break up.
Mais ne sortez pas les kleenex, il y aura, vielleicht, une fin heureuse, regardez le personnage sur la vidéo, il danse!
Les inflexions de la langue allemande apportent un plus dépaysant non négligeable.
Et là tu revois Peter Schilling pastichant David Bowie avec son 'Major Tom [völlig losgelöst]'.
Ce matin avec Arnaud nous avons aperçu un phoque se baignant dans le port, c'est un peu le sujet de 'Gomb' , ce sont les petits détails dans la vie qui peuvent donner naissance à un beau morceau.
La jolie rengaine, quasi enfantine, groove gentiment pour se conclure en bruitages saugrenus qui entament la suivante ( comme sur l'EP 'Lomb'), ' Ohhß', un morceau fait d'oscillations, de frémissements et de remous amphibies ( merci, Marcel Proust), qui ont beaucoup plu à un chien aimant l'eau.
Saviez- vous que Matthias Reim, un chanteur de schlagers, adulé de Bonn à Dresden, a enregistré une chanson avec Bonnie Tyler?
J'ai adapté 'Ich hab' geträumt von Dir' pour transformer le titre en plage synth pop / trip hop.
Une réussite!
'Superhuman' has not yet been released, ce sera le morceau techno de la soirée qui s'achève en mélopée aux relents asiatiques.
Pony Pracht a indubitablement plus d'un tour dans son sac, elle nous le prouve avec la reprise insolente de 'Computer Love' de Kraftwerk.
Un étonnant mélange de dreamtronica, de techno, d'EBM et de chiptune music !
A classer sur la même étagère que Devo!
Si Magma a inventé le Kobaïa, Pony Pracht se contente de trafiquer quelques langues pour concevoir des mots qui n'existent pas.
Sur ' Neologisme' , une voix énumère une liste de vocables absurdes tandis que le sampler gronde et que Lisa vocalise.
A l'échéance, 'These words do not exist' se lit sur l'écran
Dommage, t'avais retenu superscheiße!
Binic, merci de m'avoir écouté, il en reste une, 'Darf ich neben dich' , ( je peux m'asseoir près de vous) , le texte murmuré se greffe sur un mince filet électro et termine un concert hors des sentiers battus, qui a tenu le maigre public en haleine de bout en bout.
On reprend la description proposée par une salle de concert de Bochum pour conclure ce billet: Zwischen Avantgarde-Pop und Dreamtronica schwebend, verbindet Pony Pracht den frischen Vibe der 2020er Jahre mit einem Hauch von Cloud-Pop und dem Mindset der Post-Trip-Hop-Generation.