Drama King au Chaland qui Passe, Binic, le 25 mai 2025
michel
Tu connais Harry Trevaldwyn?
Qui, jamais entendu parler...
Ce jeune homme s'avère être un acteur, scénariste, connu au UK pour son rôle dans la série 'Ten percent ' un remake à la sauce British de Dix pour Cent.
Harry écrit, il est l'auteur d'un popular YA ( = Young Adult) Romantic Comedy Book à succès, baptisé 'The Romantic Tragedies of a Drama King' narrant les mésaventures d'un jeune gay désirant à tout prix attirer l'attention , il en fait des tonnes et dramatise tout à l'extrême.
On ignore si Kevin Gourdin a lu cette fantaisie, mais il a choisi Drama King comme label pour son nouveau projet.
Pascal a eu le premier album du roi du drame entre les mains, il l'a écouté et a estimé que 'Mud and Concrete' était loin d'être fangeux et méritait toute notre attention.
Par la même occasion il nous rappelait le passé musical du monsieur en mentionnant The Decline, pas les Australiens pratiquant un skate-punk, mais des Rennais tout aussi fidèles au punk.
On signale par ailleurs qu'il aime les sangliers et qu'il a enregistré sous l'étiquette Slim Wild Boar.
En cette fin d'après-midi pour le quatrième concert de ce frais projet, il a réuni un collectif mixte pas débile: Alice Lepage, alias Alice H.A, à la guitare et aux voix, Marthe Caput ( Brainfreeze, Feu e a...) au piano et voix , Cédric Dayot ( Cobra Jaune, The Decline, Melmor....) à la basse et Nicolas Mangin ( vu ici même avec Food Fight) à la batterie.
17:15': le bistrot est plein à craquer , la pièce peut débuter!
Mais où est le batteur?
Un fin limier le repère et le conduit derrière son attirail.
Marthe, une cousine de la sainte de Béthanie, amorce une intro ecclésiastique sur laquelle se greffe une guitare surf, la seconde guitare surgit et brode , tandis que la basse et la batterie, amorphes à l'origine, rejoignent le peloton pour conclure cette entrée en matière brumeuse.
L'intro se fond dans 'Silent Homes' que Kevin entame d'une voix encore plus grave que celle de Sivert Høyem.
L'heure est au recueillement, et ce ne sont pas les backings angéliques des filles qui vont t'inviter à la danse.
On vient de pénétrer dans un univers arty, lynchéen, un monde où règne la lenteur, la piété, le mysticisme!
'Waiting for the shades', amorcé par une guitare au son twang, accompagnée par un piano devenu harmonium d'église, pousse encore plus loin le côté sépulcral, des voix célestes s'élèvent dans la cathédrale éphémère de Binic, des ombres, ou des fantômes d'évêques, transformés en gisants de pierre, viennent effleurer ton épiderme, t'es pas à l'aise, mais la majesté de cette valse biblique te cloue sur place.
A classer aux côtés de Leonard Cohen, de Tom Waits, de Scott Walker ( écoutez sa version magistrale de 'If you go away', à tomber à genoux) tous considérés comme des âmes torturées.
Une basse saturée attaque ' Brown and grey', le piano arrondit les angles, mais le ciel ne deviendra pas bleu pour autant, les cloudy skies , bien bretons , éclipsent le soleil dont les rayons peinent à nous réchauffer .
Un second mouvement, orchestral, ample, décoré, une nouvelle fois, d'un choeur solennel, nous conduit au terme d'une plage achevée sur des sonorités de clavecin.
C'est beau, glisse Nadège à son amie
Chut, fait Armand!
Place au morceau éponyme ( Kevin tenait absolument à placer ce terme, qui fait peur aux coureurs du Tour de France), ' Drama King' .
Pathos, sons de carillons, envolées prog rock... ton esprit revoit le grandiose Van Der Graaf Generator.
Le morceau se fond dans ' Broken Wings' , une plage nettement moins pop que la ballade de Mr Mister , elle est chantée d'un timbre persuasif.
L'orchestration, monumentale, rappelle les grands moments de Procol Harum.
On perçoit comme un tic tic tic tic étrange ' Between the store shelves', c'est un doigt de la main droite de Marthe qui appuie sans répit sur la même touche, alors que l'autre pogne concocte un nocturne symphonique.
Les guitares grésillent, la rythmique bâtit un fond brumeux, la poussière traînant sur les étagères s'envolent par la grâce des voix hantées des filles qui soutiennent le crooner à casquette.
Encore une réussite magistrale.
Kevin fait des cauchemars, ces nuits sont agitées, "Every dream that I make takes me back to the start", et tu revois certains long-métrages de David Lynch en te laissant bercer par une bande- son obsédante, signée Angelo Badalamenti.
C'est déjà la dernière ( tout l'album a défilé).
Sur 'Rock'n'Roll lies' la voix cadavérique de Kevin se balade sur des arpèges de guitare ciselés, il répète .... what have they done to me, rock'n'roll lies... , petit à petit la tension se fait plus dense, le son gonfle, cette montée en puissance nous conduit au terme d'un concert en tous points remarquable.
Le public subjugué espérait un bis mais le stock est épuisé, magnanime, Kevin Gourdin reprend sa guitare, un pied écrase une pédale pour produire un son d'harmonium, il nous propose une version épurée, profonde, de 'Dirty old town' d'Ewan McColl.
Aux dernières nouvelles, le groupe devrait se produire lors d' Art Bist'Rock à Saint-Brieuc!