mardi 10 juillet 2012

Gent Jazz Festival ( day 4), De Bijloke, Gent, le 8 juillet 2012

Quatrième soirée ( toujours pluvieuse...) au Gent Jazz Festival, tête d'affiche: Melody Gardot!

16h, une douche infernale...Les moussons sont causées par le fait que la terre s'échauffe et se rafraîchit plus vite que la mer... merci, on s'en fout, c'est la mer du Nord qui baigne la Belgique, pas l'Océan Indien!

16h30', pas trop de monde sous le chapiteau, Ninety Miles sur scène!
La speed limit?
Non, la distance séparant La Havane de Miami et le patronyme choisi par ce fabuleux band américano- cubain, formé par Stefon Harris ( vibraphone, marimba) - David Sanchez, Puerto-Rico, saxophone et l'incroyable trompettiste ( vu à l'AB), Christian Scott, New-Orleans, à Gand, toutefois, Christian a cédé sa place au non moins doué, Nicholas Payton!
Le project est complété par  le Vénézuélien, Edward Simon au piano - Ricky Rodriguez ( Puerto-Rico) à la double bass- Terreon Gully ( Illinois) aux drums et le percussionniste cubain, Mauricio Herrera!
Ce septet a cassé la baraque avec son Afro-Cuban /Caribbean jazz épicé  et dynamique.
Une bouffée d'air chaud a soufflé sur Gand.
Le groupe a sorti un album ' Ninety Miles' et débute avec la huitième plage 'Brown Belle Blues', un mix salsa/jazz au tempo infernal, les soli aventureux se succèdent en démarrant par la trompette torride de Nicholas, un exercice Cal Tjader aux vibes et tu te sens à l'étroit sur ton petit siège, tes guibolles demandent à s'agiter en rythme, ça s'aggrave lorsque les congas à la Ray Barretto prennent le relais.
 ‘And This Too Shall Pass' débute par une mélopée noire et sacrée, fredonnée par Mauricio, sur fond de battements de mains sur djembe, les collègues entrent en piste, la plainte se meurt, c'est parti pour un voyage haut en couleurs.
'E'cha', fameux jongleur Mr Harris.
Un titre de la trompette aux relents Miles Davis,' The backward step', ambiance Mocambo... oui ,Humphrey était accoudé au comptoir, une belle, sirotant un long drink, à ses côtés.
' City sunrise' une aube en clair-obscur, la ville s'éveille, l'animation la gagne, ça bouge de partout..
Quoi, Jacques?
Sais pas si les boulangers font des bâtards, mais ce truc est tout bonnement incroyable.
Prestation brillante!

Robin Verheyen New-York Quartet
Robin Verheyen n'a pas trente ans, mais ce prodige du sax a déjà  un fameux parcours derrière lui.
Tu dois l'avoir vu 4 ou 5 fois, la dernière au Meent à Alsemberg.
Le gars de Turnhout est parti s'établir in the Big Apple et s'y est fait un nom, il a enregistré 'Trinity' avec  quelques pointures et tourne cet été sur le vieux continent avec Ralph Alessi (trumpet), Drew Gress (bass), Jeff Davis (drums).
Robin alternant tenor et soprano.
'R R' ouvre, trompette et sax soprano à l'unisson, la rythmique rapplique, du jazz syncopé mais hermétique , avec d'intrépides envolées de cuivres.
Après la moiteur cubaine, Gand connaîtra la froideur intellectuelle!
 Une seconde plage cérébrale est amorcée par le drummer et le bassiste, Robin, sérieux comme un résident du Vatican, attend d'entrer dans le bain.
Si tu voulais du groove, tu t'es trompé d'étage.
La ballade' Free Time' présente des intonations 'Round Midnight' et la suivante 'Slowly Erupting' est aussi mainstream que du Ornette Coleman.
'Incognito'  passionne comme du Alain Robbe-Grillet, à tes côtés un gars s'est assoupi, son voisin est plongé dans la rubrique sportive du Nieuwsblad, Josiane a sorti son tricot.
Qui a gagné l'étape, s'enquiert Alphonse?
Le quartet, imperturbable, poursuit avec un titre en slow motion pour enchaîner sur 'Twelve' une variante de 'RR'.
'Roscopaje', un sax élastique qui soudain ne peut réprimer une crise de hoquet, une trompette hard bop sur  rythmique inébranlable, ces mecs sont d'excellents musiciens mais, à l'inverse de certains spécialistes, criant au génie, plusieurs spectateurs ont trouvé le trip plutôt chiant.

The Bad Plus feat. Joshua Redman

The Bad Plus=  Ethan Iverson (piano), Reid Anderson (bas), Dave King (drums)!
Iverson, Anderson and King first played together in 1989 but established The Bad Plus in 2000.
Sept albums, le dernier 'Never Stop'.
Un magma étiqueté avant-garde jazz combined with rock.
Lorsque ce trio convie le fils de Dewey Redman, celui qui remporta la Thelonious Monk  International Jazz Saxophone Competition in 1991, Joshua Redman et ses saxes, à se joindre à eux, t'as vite compris que tu assisteras à un événement hors du commun.
'Love is the answer', une ballade toute en douceur, illuminée par un mellow sax élégant, en cinq minutes Bad Plus et Redman ont déjà transmis plus d'ondes chaudes que le projet de Verheyen en 70'.
Les lignes de sax d'une fluidité palpable, le classicisme du piano, le jeu tout en souplesse de Reid et l'incroyable drumming du contorsionniste, le royal Dave, éblouissent.
Ethan, debout tel un jockey cravachant sa pouliche, attaque l'agressif  ' 2 PM'.
Ce sont des méchants, the sound and the fury, disait Faulkner.
Un punch  à rendre jaloux, Alexander Povetkin, current WTA heavyweight title holder.
 Place au tempétueux 'Who's he?', suivi d'une compo du King :'1979 semi- finalist'.
Demi -finale de?
Un concours de hot-dog eaters, Walter a échoué en demi-finale pour un demi sandwich, c'est de sa faute, il avait avalé 15 bouteilles de Budweiser.
Une ballade dans la lignée d'un Frank Zappa.
'You are', terrible poussée de fièvre pour Joshua, tout rouge!
Nouvelle présentation, façon comedy capers, des équilibristes et voici 'Prehensile dream', à la mélodie duvetée.
Le nocturne majestueux file vers un climax angoissant avant de s'éteindre mollement.

That was it, we have to go...
Tout Gand debout, standing ovation de cinq bonnes minutes, le timing ne permet aucun bis.
Too bad!

Melody Gardot

Un décorum de pièce de théâtre et un avertissement à tous: No pictures!!
Aucun photographe dans la fosse.
Cérémonial austère, obscurité quasi totale, une âme charitable mène une personne se déplaçant à l'aide d'une canne, arborant des lunettes de soleil , une mantille, un béret et maquillée d'un rouge à lèvres agressif, vers le micro.
Elle chante a capella, un gospel profond ' No more my lord', cette voix te donne des frissons, Melody Gardot s'accompagne en frappant le sol du talon tout en secouant un gri-gri, derrière elle, du mouvement, le band prend place tandis que la belle achève le spiritual au piano.
Imposante et théâtrale entrée en matière, public subjugué!
Le band:  Petri Korpela (percussion), Mitchell Long (guitare), Stephan Braun (cello), Irwin Hall (tenor & alt sax), Jamila Ford (backing vocals), Celia Chavez (backing vocals), Charnett Moffett (bass), Charles Staab (drums).
Melody part en onomatopées, imitant les gouttes frappant le sol, ' The rain', un blues pluvieux que l'impeccable Irwin Hall transforme en  fast jazz avant une échappée Charlie Byrd de Mitchell Long.
Que les esprits chagrins la ferment et arrêtent de répéter Melody Gardot c'est pas du jazz, d'ailleurs qui s'en soucie?
Pas nous, c'est tout bonnement captivant!
 Le sensuel 'Goodbye' précède le tragique et envoûtant arabo-andalou 'Impossible love'.
Quelle nana!
Pas de pause, on fait la connaissance de 'Mira' sur fond carioca, elle se débine ( Melody pas Mira) après le soft et gracieux  ' So long' , la setlist mentionne: Melody- break: 6 minutes, le temps de changer de tenue.
Je vous laisse en compagnie de Mr Everything, Irwin Hall, qui nous sert un impromptu, sur fond de percussions, digne des meilleurs titres de Gato Barbieri.
Détail, Gent, watch me blow two saxes at the same time.
Revoilà la diva , 'Les Etoiles', un gypsy jazz façon Broadway.
Silence total, une acoustique puis un sax plaintif sur fond flamenco ' So we meet again my heatache', une nouvelle fois tu as la gorge nouée.
Passe-moi la guitare, Mitchell: ' Baby, I'm a fool', une romance déchaînant les passions.
Un nouveau gospel, le rythmé 'Who will comfort me', avant de mettre le cap sur l'Afrique 'Amalia', puis un calypso chaloupé ' Iemanja'.
Un final feu d'artifice,  Melody poursuivie par le sax se transforme en gracieuse gazelle et tout Gand en ébullition!
Exit la troupe!

Bis.
Seul Charnett Moffett rapplique pour entamer une  méchante séquence de bass slapping, une impro à la Jimi Hendrix, lorsque le drummer se joint à lui, il passe à la basse électrique et secoue toute la tente.
Un à un les copains réapparaissent, Melody fermant la marche pour l'apothéose, une version hot du standard 'Summertime' avec une petite poussée de 'Fever'.

La salle debout, sauf Jules qui maugrée: godv. c'est pas du jazz!

Sur la route du retour, en évitant Erpe-Mere, t'as chantonné 'Summertime' pendant 75' , tes yeux ne voyaient pas les panneaux de circulation mais une blonde femme fatale à la généreuse poitrine et au timbre ensorcelant.