lundi 6 juin 2011

Chain & The Gang, The Sonics, Thee Oh Sees à l'Ancienne Belgique, Bruxelles, le 5 juin 2011

L'AB bascule dans la folie collective: comment expliquer qu'une foule entière se laisse emporter dans des mouvements irrationnels conduisant à un comportement pour le moins saugrenu: la réponse n'est pas à chercher chez Hermann Broch, docteur es psychologie des masses, non, l'explication= The Sonics dans une salle déjà chauffée à blanc par Chain & The Gang et Thee Oh Sees.

A 18h30' ( t'as bien lu), rien ne laissait présager de tels débordements, à peine une trentaine de curieux savaient que Chain & the Gang commencerait son set à l'heure où ARTE programme la Cuisine des Terroirs et, pourtant, les semences du délire ont été disséminées pendant le show de Ian Svenonius et de son Gang de bagnards.
Chain & the Gang est le dernier projet d'un illuminé ayant édité pas moins de 15 full cd's sous des patronymes divers.
Ian Svenonius fut Nation of Ulysses, The Make-Up, Weird War, David Candy ou Cupid Car Club et donc, depuis 2009, Chain and the Gang.
Dernier CD ' Music is not for everyone'.
L'halluciné, à la coupe afro Angela Davis et au costard orange des plus seyants, est accompagné d'une fine équipe: basse ( une compatriote) - drums et keyboards/guitar( James Canty: Make Up), sapée prison stripes, bonnet assorti + une vocaliste presque politiquement correcte.
Le funky garage/soul ' I see progress' ( Chain Gang Theme) ouvre le bal, déjà une belle tranche spoken/sung aux lyrics, euh, allumés:..
i see progress in paint peeling
i see progress in leaky ceilings
in the sun setting at night
in the moon getting bright
in autumn leaves...
Pour suivre le binaire' Trash Talk', cohérent et légèrement sarcastique sur fond de fuzzed guitar lines et un jeu de scène Cassius Clay de l'exubérant Ian.
La voix de prêcheur du stand-up comedian étant contrebalancée par la voix sobre de la choriste: intéressant dialogue ubuesque.
'For practical reason' (I love you) , du sixties garage tendance surf.
And now, Brussels, une chanson boy-scout 'It's a hard job keeping everybody high'.
Qui a dit Zappa?
Frank la Moustache, yes, combiné avec la fausse candeur de Jonathan Richman: excellent cocktail pour se rincer les amygdales.
Question de nous garder high il descend dans la fosse nous expliquer son propos.
Ce mec est génial: un zeste de Zappa, une pincée de James Brown, un soupçon de Mick Jagger et deux onces de Jerry Lewis... résultat sulfureux.
'Living Rough': oh, quelle jolie nana, la blonde Valérie, vais venir la saluer pendant que le Gang balance un punk saccadé.
Une anecdote monétaire et le downtempo narratif ' What is a dollar', une nouvelle tranche de male/female interplay sur rythmique juteuse.
Le gospel/punk désabusé 'Youth is wasted on the Young' sera suivi du dansant 'Not good enough', fabuleux twist/locomotion/cha cha cha.
En bas quelques énergumènes divaguent joyeusement, un visiblement entamé hurle insanité sur insanité tout en bousculant tout sur son passage, c'est ce drôle, en congé Cuckoo's Nest, que Mr Svenonius vient embrasser pendant le virulent 'Reparations', qui après une longue intro explose en rock sauvage.
Place au funk vicieux 'Detroit Music' pour terminer ce set de 40' par un garage/jungle aux relents 'Magic Bus' (The Who), l' interrogatif 'Why Not'.
Excellent!

19h42': Thee Oh Sees
John Dwyer: le chef, vocals, guitars - Brigid Dawson: vocals, shakers - Petey Dammit, guitar sur ampli basse- Mike Shoun , drums!
Depuis 1997, John Dwyer a fondé plus d'une dizaine de combos underground ( Coachwhips, The Hospitals, pour n'en citer que deux).
Thee Oh Sees est le dernier projet en date et, en quelques années, a sorti une douzaine de rondelles, la dernière 'Castlemania', en 2011.
Il compte un bon nombre d'inconditionnels, la grande Catherine ne jure que par leur noisy garage effréné. Pendant plus de 40', elle va être prise de tremblements épileptiques pas beaux à voir, la transformant en cerisier malingre aux ménisques arthrosés, secoué par une dizaine de gamins en quête de fruits maraudés, craignant à chaque instant de voir arriver un Uncle Sam partisan du Ku Klux Klan et armé d'une Winchester aux intentions pas pacifistes.
Neuf titres d'une sauvagerie bestiale, de cris hystériques avec en contrepoint la voix enfantine de l'attrayante Brigid, une guitare brutalisée, un forcené au drumming et un Petey pour l'assise groovy.
Du post hard-core/garage/ noisy accelerated beat pop, faisant passer Sonic Youth pour une bande d'enfants de choeur, juste bons à accompagner Scala lors d'une messe chantée, célébrée par l'ingénu Monseigneur de Bruges.
Me demande pas de citer des titres, ces barbares jouent sans setlist et reconnaître les chansons en écoutant les lyrics relève de l'impossible.
Si ça peut t'aider à Turin le 19 mai , un fan a noté ceci:
A Heavy Doktor (Unpublished)- Enemy Destruct- I Was Denied- Warm Slime- Meat Step Lively- Tidal Wave -Block of Ice -Ghost in the Trees/ Encore: Mega-Feast Contraption.

Le premier titre fut bref et sanglant, le second simple et encore plus méchant, le suivant speedé et passé au mixer, pour le quatrième, John s'empare d'une douze cordes et nous la joue psychedelic fuzz, le n°5 sera comparable à un rouleau compresseur sans système de freinage, le jeu du tatoué est tellement viril qu'il pète une corde de son jouet, ce qui ne nuit en rien à la qualité sonore du compacteur à rouleau lisse, toujours orphelin de plaquettes devant en principe se frotter au disque.
Le changement de roue se fait plus vite que lors d'un arrêt au pit stop à Indianapolis. Pour faire patienter le public, le drummer tabasse ses caisses en douceur.
Un second audacieux gravit le podium pour un vol plané stylé, le premier, maladroit et futur édenté, gisant encore sur un plancher baignant dans la fade Stella.
Bonvour maman, ve ferfe un bon dentifte...
Un ou deux garage/jungle scandés et un nouvel hymne généreux, bourré d'effets spéciaux sur rythmique Johnny Rivers avant de clôturer sur une orgie métallique bouillonnante.

Un triomphe, on passe tous au vestiaire changer de maillot.
J'ai tordu le mien, me souffle Cath, j'ai rempli trois seaux de 10 litres!
Sur ce, je vais avaler un litre de houblon, ajoute la sympathique enfant!

21h05 The Sonics
On va les assommer, ces petits Brusseleirs!
Tu parles, y a rien qui sort du haut-parleur, le guitariste est sans jus, séance tripotage qui n'en finit pas.
Au bout de cinq minutes, t'as Flupke qui gueule: 'plus fort', et David, un taxidermiste, qui enchaîne: t'as acheté ton équipement chez Tandy...ça craint, la sueur perle sur les tempes grisonnantes du rescapé.
21h13', nouvel essai:
Jerry Roslie: keys, lead vocals/ Rob Lind: sax, harp and vocals/Larry Parypa: guitar bkg vocals/ Ricky Lynn Johnson: drums ( un ex The Wailers, ceux de Tacoma) / Freddie Dennis ( un ex Kingsmen): bass and vocals peuvent envoyer la première salve: 'Shot Down'.
Le son est pourri, on entend rien du sax, Larry connaît toujours de gros soucis techniques, mais l'énergie est bien présente.
La voix de Jerry est proche de celle de John Fogerty!
Le petit Denny aux vocals pour une cover des Wailers, ' Dirty Robber', une cousine de Good Golly Miss Molly, ça suinte de partout.
On alterne les vocaux, une nouvelle fois, Jerry: l'impeccable 'He's waitin'!
Une version heavy de Cendrillon, 'Cinderella', on comprend à quel biberon AC/DC s'est nourri!
Une autre relique, de Richard Berry, un gars ayant écumé la scène doo-wop, pendant que ses compatriotes se préparaient à s'enliser dans le merdier vietnamien: ' Have love, will travel' , les Sonics l'avaient enregistré sur leur debut-album de 1965.
Sur le dernier CD 'Vampire Kiss', une tuerie Christopher Lee.
Let's slow down, Brussels, on n'a plus 20 ans... 'Don't be afraid of the dark', du garage/rhythm'n blues gluant.
Pendant toute cette demi-heure, le brave Larry tirait la gueule, pas content de la bouillie produite par sa gratte.
Leur roadie s'est tapé Les Petits Riens et lui ramène un autre jouet, feu: Little Richard ' Keep a knockin', et dans les tranchées ça cogne sans répit, à nos côtés, une petite nana pas caca nous arrose de sa Stella qu'elle n'aimait pas.
Comme en quatorze!
Une nouveauté pas onéreuse, 'Cheap Shades' suivie du joyeux et cashien 'You've got your head on backwards', chanté de manière inaudible par Rob.
Nouvelle séance de pleurs pour le pôv' Larry, ce jack me les casse, ras le bol, les copains, mes pédales aussi déconnent.
T'inquiète, on va chercher Eddy Merckx!
Un malin gueule, un petit drumsolo, Ricky?
Bonne idée!
Il a pas perdu la main, le vieux!
Le glorieux ' Boss Hoss' et sur la lancée 'I don't need no Doctor' de Ray Charles, dont Humble Pie a sorti une version anthologique.
Bruxelles trépigne, quelques irréductibles à l'esprit chagrin tirent la gueule et s'indignent, les Sonics sont devenus un bête coverband, juste bon pour amuser la galerie aux Druivenfeesten à Overijse!
Nous, en première ligne, on saute avec la masse: un pogo dantesque, sans compter la vingtaine de stagedivers ( le service de sécurité n'a pas bronché) de tous poils, on a surtout pointé une séduisante donzelle, que tous les mâles voulaient caresser pendant sa séance dans les airs!
Sur scène un Chuck Berry walk, style Comedy Capers pendant 'Strychnine', puis un vilain ' Bad Boy', voyant les plongeurs se multiplier.
Si les Beatles jouaient 'Money' de Barrett Strong, on peut le faire aussi.
Un classique immortel, le taux de folie dans la salle est passé à 208 %, et sur le podium il y a plus de touristes, amateurs de plongeons, que de musiciens!
'Don't back down' sera suivi de l'infernale 'Lucille' du petit Richard et pour finir en beauté leur monstrueux 'Psycho' de 1965.
Des psychopathes, c'est pas ce qui manquait dans le box aux étoiles.

Il est 22h15, on sait qu'on a droit à un rabiot!
'Louie Louie' le plus grand classique de l'histoire du rock, même Demi Moore reprend cet hymne rawk'n rawl primaire.
Les résistants invitent leur stage manager, le légendaire rocker Rennais, Dominic Sonic, il se joindra à eux pour le dernier titre, le démoniaque ' The Witch' .
Bruxelles ensorcelé, pendant que le malin Rob entame un petit rock avec la donzelle plongeuse, qui pour la dixième fois se retrouvait sur scène.
It's over?
Je saute dans la piscine, décide à son tour l'intrépide Dominic.
Pendant qu'il patauge dans la fange, Freddie a entamé
Ha ha ha ha (ha ha ha ha)
Yeahh-ah-oh (yeahh-ah-oh)
Cubba cubba cubba (cubba cubba cubba)
Ha ha ha ha (ha ha ha ha)
Ha ha ha ha (ha ha ha ha)
Yeahh-ah-oh (yeahh-ah-oh)
repris par tous les survivants.
'Don't you just know it' de Huey Smith, le rock intellectuel par excellence!
Allez vite, encore une: 'Bad Attitude' un dernier brûlot à faire pleurer tout fan de la bande à Angus Young!

Elvis may be dead, et Gene Vincent, et Buddy Holly, et Johnny Thunders et tant d'autres ... mais si tu tiens à revivre un grand moment de rock, va voir les Sonics, en oubliant le son merdique ou le côté band sur le retour trying to make their last money, mets ton cerveau au point mort & have fun!