Delanie Pickering à La Grande Ourse de Saint Agathon , le 27 avril 2025
michel
Un si grand soleil, pas à Montpellier, mais à Saint-Agathon, pour le dernier rendez-vous blues de la saison.
Le public ne s'est pas déplacé en masse compacte, mais tous ceux qui étaient présents auront été unanimes: un grand concert donné par une fille hyper douée, un peu timide, le visage caché derrière a baseball cap, qui risque bien de devenir la sensation blues du futur.
La toile demeure avare quand il est question de Delanie, on sait qu'elle a 28 ans, qu'elle est originaire du New Hampshire, qu'en 2017 elle est enrôlée par Johnny Hoy pour faire partie de ses poissons bleus, des critiques l'encensent ... she has made waves with her talent... on lui reconnaît de la profondeur et du lyrisme.
Par contre rien sur Bandcamp ou Spotify et pourtant à 18 ans, elle a sorti l'album "Down Not Home";
Pour cette tournée européenne, qui s'achève à La Grande Ourse, elle est accompagnée par la crème des mercenaires blues made in France: l'ineffable Denis Agenet à la batterie, Abdell " b.bop" Bouyousfi ( vu avec James Armstrong) à la contrebasse et Damien Cornelis aux claviers ( un gars que tu retrouves dans pas mal de bons coups: Malted Milk, Lowland Brothers, Blues Power Band, Nina Attal .... et qui joue au session musician pour les bluesmen ricains venus goûter aux plaisirs de l'Europe: Alabama Mike, Joe Louis Walker, Kat Riggins, pour n'en citer que 2 ou 3.
Un blanc avant de débuter le set, Delanie se concentre, les convoyeurs attendent.
Une flopée de fingersnaps donne le coup d'envoi, et c'est bien parti en mode swing blues, avec une reprise étonnante, 'Get rich quick'' popularisé par Little Richard.
Delanie joue sans plectrum, elle s'en repentira, après 50' elle se ronge les doigts, s'est -elle blessée, a-t-elle cassé un ongle, who knows, cela ne l'empêchera pas de poursuivre son exercice en lâchant des riffs judicieux .
La voix est claire et elle peut compter sur le trio hexagonal ( déjà un aparté subtil de Damien au piano) pour l'aider à faire fortune en misant sur le bon canasson.
Avec le second titre 'Lasting Love' , au répertoire de Sugar Ray and the Bluetones , le public a compris que la soirée risque d'être captivante.
Elle déterre une vieillerie ' I would if I could ' de Little Sonny, un blues juteux aux couleurs rhythm'n' blues de la New Orleans.
Delanie laisse de l'espace aux artisans, du coup les petits doigts de Damien s'agitent, elle savoure avant de placer un superbe solo dans les tons graves.
On passe au voodoo blues avec ' Do not disturb' ( James Harman), après une décélération et un chant murmuré, Delanie décide d'envoyer du bois, puis le piano revient en catimini, cette longue plage aux climats moites fait un effet boeuf, les caïmans sont sortis du marais pour applaudir.
Retour au blues, celui qui swingue avec ' Three times' aux senteurs West Coast, suivi par la lovesong ' He's my heart's desire' qu'elle joue et chante avec Johnny Hoy & The Bluefish.
A l'arrière, Denis se fend d'un large sourire en entendant le solo racé de sa protégée, le piano embraye, la litanie reprend, le slowblues gorgé de soul arrive à son terme, t'as à peine le temps de renifler qu'elle nous signale que Denis Agenet va nous en chanter une petite.
D'une voix de crooner, celui qui dirige son propre combo, Denis Agenet & Nolapsters, nous susurre ... you say it's not enough to put me down... en ajoutant ...you don't believe a word I say, I should have learned my lesson... l'éternelle histoire du bluesman incompris par les dames.
Delanie reprend le collier et confesse ' I don't mind sleeping outside by myself' un boogie de sa composition, enregistré par Johnny Hoy and the Bluefish.
Ça va, Delanie?
No, 'I'm worried' , elle explique tout ça en égrenant des notes précises avant de proposer un slow à la Ray Charles ' Here I Stand with My Heart in My Hand'.
Comme le papier chiffonné traînant sous ses pieds mentionne plus de trente titres ( pas complets) et que l'absence de chronologie règne en maître des lieux, on ne peut te garantir l'exactitude de la playlist.
Après un titre ressemblant vaguement à 'On the sunny side of the street' vient ' Hitchin' home', elle a passé la nuit à picoler, elle implore ... somebody please take me home ...
Un truc à ne pas essayer si tu ne tiens pas à te faire voler ou violer.
Dennis, tu leur expliques ce qu'est un screwdriver cocktail!
De la vodka, du jus d'orange, des glaçons, tu secoues ... santé!
Voilà ' Screwdrive me, baby' , un titre imbibé pour gens non inhibés.
Après avoir bu, on danse mieux la rumba 'Just got to know' les doigts blessés grattent les cordes, le piano voltige, la rythmique arrondit les angles.
Ce band fait preuve d'un cohésion impeccable, Delanie éblouit, son talent éclabousse.
Denis, tu leur chantes un second couplet.
OK, j'ai mon ticket, ..I'm going to the station, I'm going to my lady...
Il est revenu à temps, car elle annonce we're gonna rock'n'roll them , ce qu'ils font avec le sautillant 'That old feeling'.
Pour revenir peu après au jump blues avec un sensationnel ' Stormy Weather' , la torch song des années 30 prend des allures tempétueuses et permet aux Frenchies d'étaler toute leur classe, le solo de batterie fuse et Abdell transforme le sien en numéro de cirque, où les jongleries se mélangent aux pitreries de clown facétieux.
Un grand moment!
C'est la dernière ligne droite, après une nouvelle salve juteuse , c'est ' You satisfy me baby' qui clôture ce show généreux;
Un show qui a enchanté une salle qui se lève pour rappeler l'équipe, elle revient pour l'apothéose ' Boogie with my baby' ( Nick Curran), du rockabilly sulfureux!
Surgie de nulle part, inconnue de tous, Delanie Pickering a fait l'unanimité, l'Europe espère son retour avant que les frais de douane exorbitants, instaurés par un président salement atteint, lui interdisent de traverser les océans.