lundi 28 juin 2021

Acid Arab « Climats », un concert illustré avec Raphaelle Macaron à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 26 juin 2021

 Acid Arab « Climats », un concert illustré avec Raphaelle Macaron à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 26 juin 2021

 

( Michel)

Bonjour Minuit accueille, enfin, le concert événement,  plusieurs fois  reporté suite à l'épidémie d'annulations de  toute manifestation culturelles, la création  " Climats" proposée par Acid Arab et Raphaëlle Macaron,  un projet produit  durant le confinement par le collectif briochin.

La première s'est déroulée à Lyon, au théâtre des Célestins, le 9 juin, en prélude au BD Festival.

Pour ce concert post-confinement, Bonjour-Minuit déroge à ses habitudes, les portes ouvrent à 20h et le concert doit démarrer à 20:30', un horaire qui convient mieux aux couche-tôt.

Jauge réduite et public assis, avec sièges morts, on se demande si un jour on reviendra à la normale.

Malgré ces contraintes, la représentation ne fait pas le plein: désintérêt, concurrence du foot, débats du second tour des élections régionales, Fort Boyard...? 

En attendant les protagonistes, tu contemples le dispositif scénique, la machinerie est installée à notre gauche, la table réservée à l'illustratrice lui fait face, le drap blanc, vierge, attend à l'arrière.

Les acteurs:

Acid Arab ou le duo de deejays  Guido Minisky et Hervé Carvalho, qui depuis 2012 distillent leur acid house pimentée Maghreb aux quatre coins de notre planète en péril.

Ces membres de l'écurie Crammed Discs ont pondu deux albums et quelques EP's et ne sont jamais à court de  scenarii inédits, ou de collaborations insolites ( Rachid Taha, Sofiane Saidi, les merveilleuses A-Wa,  Les Filles de Illighadad...).

Ce soir, ils ont fait appel à Raphaelle Macaron, illustratrice et autrice de BD, libanaise, installée en France depuis six ans, membre du collectif  Samandal ( Fauve de la BD alternative à Angoulême en 2019), dessinatrice pour le  New York Times ou Amnesty International, elle a signé une première BD, Les Terrestres, en 2020.

20:45', après le quart-d'heure académique d'usage, l'éclairagiste plonge le théâtre dans l'obscurité, les protagonistes se pointent.

Un message avant le début des hostilités: Saint-Brieuc, on n'a pas pour habitude de faire de longs discours avant le show, on tient toutefois à vous signaler que le spectacle de ce soir sera tronqué, vous ne verrez pas les animations, ni les vidéos, imaginées  par Raphaelle, notre matos a été dérobé lors du voyage en train vers votre jolie ville, pas de panique, notre amie a récupéré des pinceaux, de la peinture à l'eau et certaines de ses ébauches, elle peindra en "live".

'Climat 3' est basé sur les albums  'Musique de France' et 'Jdid', les titres sont proposés " dans leur plus simple appareil", dit le prospectus.

Une première planche apparaît sur le mur, les compères lancent une intro mixant electro, effets aquatiques, stridences et sonorités asiatico-orientales dépaysantes, Raphaelle a gribouillé " Climats" sur la feuille avant de saisir une seconde page, sur laquelle se profile une métropole stylisée à l'architecture Le Corbusier ,  la dessinatrice y griffonne un visage féminin.

Sur la bande défile le titre 'Stafia' bourré d'effets obi-wah.

L'auditoire, subjugué, reste muet, une troisième séquence est amorcée, tandis qu' 'Electric Mawwal', une tranche de transe syrienne, sur fond de grondements, s'échappe des machines puis une voix mâle, grave,  récite un poème arabe, Raphaelle loge un(e ) conducteur ( trice) dans une Mercedes des années 60 qu'elle peindra en rouge.

Cette BD, sans bulles, sur fond techno chaâbi, tient en haleine et finit par évoquer l'incroyable film d'animation ' Valse avec Bachir', tant le coup de pinceau de la Libanaise rappelle l'esthétisme du long-métrage d'Ari Folman, on est  loin de l'exotisme  des Mille et Une Nuits, par contre des flashes de  Beyrouth sous les  flammes te traversent l'esprit.

Le périple se poursuit , 'Shamlu', ' Metallik Cages'  accompagnent un envol de colombes, puis Ahmed Malek, le le Ennio Morricone algérien, est samplé,  avant d'entendre 'High & fly' et 'Soulan'.

Le lament  est accompagné d'images symboliques, comme un fantôme rouge sang s'élève au dessus des buildings de la grande ville. 

Un incendie? l'âme d'une victime d'atrocités?  Libre à toi d'interpréter à ta guise.

Petit à petit, l'attention faiblit, tu ne t'attendais pas à un concert traditionnel, mais la performance, hyper esthétique et sophistiquée, finit par perdre de ses saveurs pour ressembler à un exercice de style formel, tu ne te sens plus impliqué.

A vouloir trop intellectualiser, on oublie l'essentiel, le théâtre de Luigi Pirandello ou le cinéma d'Art et d'Essai ne sont pas forcément appréciés par le commun des mortels.

De nouvelles esquisses sur fond sonore adapté complètent le recueil, tu regardes et écoutes distraitement, 'Rozzma' est suivi d'une séquence noise faite de vrombissements,  grincements et gargouillis indus, puis vient un remake de Hocine Chaoui pour terminer sur une pièce explosive et colorée, tandis que le mot FIN se lit sur la dernière planche peinte par l'artiste libanaise.


Des applaudissements polis ponctuent la prestation.

 Tu quittes Saint-Brieuc en  ayant l'impression d'avoir assisté à une performance, certes peu banale,  mais t'ayant laissé un amer goût d'inassouvissement.


Une question d'état d'esprit, sans doute!