samedi 2 avril 2011

Orquesta Tanguedia au Candelaershuys- Uccle, le 31 mars 2011

1960, Astor Piazzola restructure le tango traditionnel pour le rendre plus malléable, le tango nuevo est né et compte pas mal d'adeptes, les plus connus: Gotan Project ou Pablo Ziegler.

Chez nous, depuis 1993, le Sexteto Tanguedia ( devenu Orquesta Tanguedia) s'attaque à l'héritage du génial argentin en y ajoutant de subtils arrangements personnels.
La presse est enthousiaste , l'ensemble collabore avec Het Ballet van Vlaanderen et, plus récemment, avec le duo comique Kommil Foo.
En été, l' Orquesta Tanguedia prévoit la sortie d'un second CD, après 'In boca al lupo' ( 2006). En octobre 2011, l'AB accueillera la première du nouveau show, un try-out aura lieu au Candelaerhuys en ce 31 mars.

Line-up: Gwen Cresens, l' instigateur, bandonéon -Wietse Beels, violon- Ben Faes, contrebasse - Hendrick Braekman, guitare - et un pianiste, ne ressemblant pas du tout à l'annoncée Karla Verlie qui se chargera des vocaux, on entendra donc Bart Van Caenegem.

20h30, les cinq musiciens se serrent sur l'exigu podium installé dans le salon de la bourgeoise maison de maître uccloise.
Une première oeuvre, une rhapsodie de Maurice Ravel, lente, d'une majesté symphonique, déjà l'émotion gagne tes deux voisines.
On enchaîne sur un double Piazzola ' Fuga y misterio' et ' La Mufa' , en route pour Buenos- Aires sans souffrir des symptômes du mal de l'air.
Envolées énergiques, violon geignant, bandonéon sombre, piano et contrebasse sobres: l' accablement fait place à la vivacité, la mélancolie à la passion... toute l'âme argentine ressentie du côté de l'estuaire de l'Escaut.
Karla se faufile parmi les spectateurs pour s'emparer du micro: ' los Mareados' , les ivrognes...
Rara!… como encendida,
la vi bebiendo: linda y fatal;
bebía y en el fragor del champan
lo que reía x no llorar....
Un tango ancestral mélodramatique au répertoire de Mercedes Sosa.
'Juanito' : fougue, coeur déchiré, désarroi, déraison, émotion à fleur de peau.... faut boire un coup pour te guérir des signes cliniques de spasmophilie.
Repos pour l'actrice: ' Feestje', une brillante composition du contrebassiste, le titre n'est pas définitif!
Une longue introduction pathétique au violon avant l'entrée en action du piano et de la contrebasse, la morosité fait place à la légèreté, la guitare embraye et finalement l'instrument à anches.
La composition prend de l'envergure, tourbillonne, tortille pour prendre une vitesse de croisière et éviter les radars repérés par le GPS, un petit bridge jazzy et reprise du thème: une fête animée!
Retour au tango chanté:le véhément 'Pedacito', suivi de la zamba classique 'Alfonsina y el mar' , écrit pour Alfonsina Storni et sa fin tragique.
Poignant duo: un bandonéon lyrique et une voix bouleversante.
Pour mettre fin au premier set, un titre de Raymond van het Groenewoud traduit et adapté aux couleurs bleu ciel, bande blanche et sol de Mayo: ' Contigo Estar' .
El tango Raymundo Del Bosque !

Set 2
Il démarre avec une seconde oeuvre musicale de Ben Faes, une pièce allègre et vive:' Concerto zonder onderbroek', ou 'concert écossais', non ce n'est pas une pub William Lawson...
La diva et le piano, le douloureux :' Garganta con arena' qui sera suivi du coloré ' Maria de Buenos Aires' , tiré de l'opéra du même nom.
Pour la petite histoire, cette Maria fait le trottoir comme la Marie de Magdala que Jésus délivra des sept démons.
Une suite instrumentale complexe au background romantique,de la plume de Gwen: ' Pompeya' combiné à ' Ognat Amor'.
Alfonsa Storni a écrit ' Adios' (Las Cosas), poésie sévère et noire, chantée/déclamée avec frénésie par Miss Verlie.
Le set s'achève sur un cri social solennel : ' Rinascero'.

Des applaudissements nourris rompent le silence religieux ayant régné pendant ce formidable récital, un encore est inévitable:' Oblivion', le chef d'oeuvre de Piazzola, en version française: 'J'oublie '.
Une claque magistrale, un chant à te couper le souffle, à arracher des larmes au scélérat le plus endurci.

Et que tangue la nuit...
Lourds, soudains semblent lourds les draps,
les velours de ton lit
Quand j'oublie jusqu'à notre amour
Lourds, soudain semblent lourds tes bras
qui m'entourent déjà dans la nuit
Un bateau part, s'en va quelque part
Des gens se séparent, j'oublie, j'oublie....