lundi 2 octobre 2023

Jay-Jay Johanson et Penelope Antena à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 30 septembre 2023

 Jay-Jay Johanson et  Penelope Antena  à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 30 septembre 2023

 

michel 


Le  concert affiche complet, pas mal de candidats spectateurs, adeptes du last minute purchase,  ayant attendu la dernière minute pour se procurer un ticket, en sont pour leurs frais.

Exceptionnellement, vu l'affluence attendue, les portes sont ouvertes prématurément, une initiative intelligente.

Pas question de traîner au bar, si tu veux une place frontstage, on attendra la fin du show pour se désaltérer.

Le support slot est confié à Penelope Antena, fille d'Isabelle Antena/Powaga et de Denis Moulin, fils du regretté  Marc Moulin , un artiste qui avait encore beaucoup  à dire,  lorsqu'en  2008 un cancer de la gorge l'a emporté.

Si Isabelle est née française, ses attaches avec la Belgique sont profondes, puisque ce sont Les Disques du Crépuscule qui l'ont lancée, on mentionnera aussi le nom de Dirk Schoufs, qui fut son compagnon avant son décès et, on ajoute  une rareté, un enregistrement avec le fantasque Dan Mac Croll.

Donc Penelope,  car maman avait repris Brassens en 1988, est franco-belge,  comme pas mal d'autres héritiers  de célébrités évoluant dans l'univers musical,  elle a décidé de faire carrière dans ce milieu souvent impitoyable.

La discographie de celle qui n'attend plus Ulysse, après un voyage au pays des merveilles, se chiffre à trois plaques, la dernière ' James & June' bourgeonne à peine.

Sur scène: deux pianos électriques, un échantillonneur, une boîte à rythmes.

 Elle entame le récital  avec énormément de reverb sur la voix, très rapidement elle se paye un pain, toujours salé,  importun,  se met à rire nerveusement, avant de reprendre le cours.

A l'écoute des lyrics, on suppose que ce premier titre devait être le plus ancien et majestueux  'Eau Claire' .

Débuter par un couac peut désorienter, on l'a sentie mal à l'aise, aussi bien au niveau vocal, trop d'effets grandiloquents, dommage car sans les outrances, la voix est belle, le maniement des bandes préenregistrées et du sampler, lui aussi était malhabile.

Pour ' Beautiful', une plage  ambitieuse,  extraite de 'James & June',  elle fait appel à une voix mâle sépulcrale , répétant.. I love it ... à l'infini  et  à des choeurs pouvant faire penser à une comédie musicale signée Robert Wise, malheureusement le côté superficiel finit par agacer.

Es-tu le seul à ne pas accrocher pleinement, peut-être, car le public, bienveillant, applaudit poliment au terme de chaque morceau.

Am I loving you too much, se demande-t-elle sur  l'organique et aérien 'Enough' 

' Every Story ever told', qui dénude ses émois amoureux, transpire la sophistication et l'artificialité, l'apport des boîtes à rythmes et les modulations sur la voix  s'avèrent  vains,  se contenter d'un piano/voix classique eut été plus judicieux.

Sur disque, ça passe plutôt bien, live, ça coince!

Pourquoi penses-tu à Benjamin Clementine et à son univers si particulier, le côté introspectif peut-être!

Penelope poursuit avec le tragique et incandescent  ' Bonfire', suivi par' Goodbye for now' qu'elle a l'amabilité de traduire: "au revoir, pour l'instant".

Elle n'a pas pris congé mais a enchaîné sur une cover pertinente   de la merveilleuse Bonnie Raitt, ' I can't make you love me'.

La dernière tirade baigne dans un climat noisy. 

Sonorités industrielles, vocalises inspirées et intonations gothiques nous conduisent au terme de la prestation.

Après un salut déférent, elle revient pourtant et propose 'Bloom' en rappel, Saint-Brieuc assiste à l'éclosion d'un amour.


La véritable ' James & June' release party  aura lieu à Paris ( Pop up du Label) , le 18 octobre.


Jay-Jay Johanson

La dernière fois où tu avais croisé Jäje Johansson sur scène, c'était lors du Brussels Summer Festival en 2016.

Sa discographie à l'époque se chiffrait à 10 albums, 'Opium ' était sorti l'année précédente, il en est à 14 plaques désormais, le dernier né a été baptisé ' Fetish' .

Faut pas s'attendre à un  revirement radical , au menu: des complaintes mélancoliques trempées dans un moule jazz/trip hop et toujours la voix  de velours, si caractéristique, du dandy dégingandé.

Pour accompagner le grand blond aux baskets à paillettes: l'incroyable et très cool  Erik Jansson aux claviers et programming et le non moins talentueux, Magnus Frykberg à la batterie et drum programming.

Erik rapplique, en éclair, il concocte un son flottant, Magnus le suit, la combinaison affiche désormais un fond jazzy.

Sur l'écran de nos nuits blanches,  en noir et blanc, des  images d'actualité des années 50/ 60,  comme Pathé News  ( ou Belgavox dans le plat pays) en diffusait avant le long-métrage.

Tandis que tu suivais les news, un tonnerre d'applaudissements retentit, JJJ apparaît, balance un good evening poli et déambule nonchalamment avant d'attaquer de sa voix de crooner  'So tell the girls that I am back in town'  , un titre de son premier album ( Whiskey)  pour lequel il avait samplé Massive Attack.

Il a donc décidé de jouer cartes sur table et de caresser le public dans le sens du poil.

Morceau achevé, d'un pas décidé il se dirige vers la console son, car le monitor cable gisait bêtement sur le sol, pas de retours dans son enceinte donc.

Confus, l'ingé son remédie au problème.

Jay-Jay en profite pour toucher à son Bourbon,  puis attaque ' Poison', pas le truc d'Alice Cooper, non, le titletrack de son troisième CD, une valse noire, vénéneuse et austère.

Un premier extrait du dernier album arrive, il répète par trois fois...my heart must be made of stone... la phrase qui amorce ' Seine' , un titre romantique et hypnotique,  qui évoque à la fois Simenon et Charles Dickens, si le chanteur  avait opté pour la Tamise.

Erik lance une bande, puis   malmène les touches, Magnus le suit, Jay-Jay s'y met, en mode Tom Waits, le blues dramatique 'You'll miss me when I'm gone' le voit danser, pas seul  comme l'héroïne  d'Axelle Red, il tient amoureusement son verre de whisky et serpente langoureusement.

Le solo de trompette, samplé, t'a arraché quelques brefs sanglots.

Le chapelet contient d'autres perles jazz:trip hop feutrées, au cachet lounge incontestable, tel ce 'Not time yet'   pendant lequel il répète ...there's no easy way to say goodbye ... faisant mentir Paul Simon qui affirmait qu'il existe 50 ways to leave your lover.

Gros travail de  Magnus Frykberg pour introduire 'The girl I love is gone', un des premiers morceaux que Jay-Jay a composé.

Elle s'est tirée, je peux plus payer le  loyer, il me reste mes  larmes, Chet Baker et Portishead!

Y-a-t- il un Robin dans la salle?

Je lui dédie 'Far away' , encore une heartbreak song irrésistible, avec un piano à la Michel Legrand, une influence majeure du grand Suédois.

Toujours en mode cinématographique, en  incluant une bande -son qui aurait pu être signée par Michel Legrand, qu'on  vient de citer, ou par Francis Lai, voici 'Finally, décoré d'un sample emprunté à  Brahms.

Derrière toi, Françoise Sagan a versé une larme.

Comment ne pas fondre à l'écoute de 'She Doesn't Live Here Anymore' ou de la suivante, ' It hurts me so',  pour lequel il a emprunté les paroles initiales de 'Plus fort que nous' tiré de la bande son d' 'Un homme et une femme'. On t'avait parlé de son admiration pour Francis Lai!

Exit Magnus, ' She's Mine but I'm Not Hers' est interprété en mode piano/voix sans artifices et dégage une émotion intense, comme celle qui est présente chez Jacques Brel, ' Ne me quitte pas'.

Vous avez pleurniché, vous pouvez danser maintenant,  voici le morceau dance de la soirée, ' Milan, Madrid, Chicago, Paris'.

Et pourquoi pas une touche latino,  mais à  la manière de Dean Martin, ' Tomorrow'  qui est suivi  par le morceau carnaval de Rio, ' Heard somebody whistle'  qui  les voit tous trois siffler comme des rossignols suédois.

Après avoir sifflé tout l'été les cigales doivent se reposer, ils se tirent tous avant de revenir dare-dare pour les bis:  en solitaire, a capella, Jay-Jay entonne 'Whispering words', un pur moment de magie.

Les copains refont surface, ce sont les sublimes   ' Believe in us'   et 'I'm older now' qui nous conduisent vers la fin d'un show énorme,  ponctué par un clin d'oeil tordant, la reprise de ' My Way' dans la version pastiche de Sid Vicious.

Euphorie générale tandis que Jay- Jay Johanson, visiblement ravi, vient serrer quelques mains de fans radieux.