jeudi 8 janvier 2015

DERvISH au Monk Café, Bruxelles, le 7 janvier 2015

Désarçonné, profondément écoeuré après le carnage chez Charlie Hebdo, il ne te restait que deux options: un repli sur soi pour méditer sur la barbarie inconcevable et sur l'absurdité, désormais, de la vie dans une grande métropole où règnent en maîtres absolus: agressivité, intolérance et obscurantisme ou chasser tes idées noires et ta désolation en assistant à un concert.
Va pour le Monk qui programme DERvISH.
Bruxelles est désertée, anormalement muette, comme vivant au ralenti, écrasée par l'horreur, tu n'as aucune peine à garer ton fourgon pour continuer à pied vers la rue Sainte-Catherine.
Au Monk, les musiciens sont attablés, Teuk termine la mise en place de l'installation sonore.
Le kick off, prévu pour 21:00, aura lieu 30 minutes plus tard.

 DERvISH, tu dis, un film de Jacques Tourneur?
Pas le coeur à rire, gars...  DERvISH, un des nombreux projets de Toine Thys.
Le saxophoniste bruxellois est secondé par Dries Laheye ( déjà vu avec Toine au sein de Rackham, mais il joue avec d'autres formations jazzy: Lidlboj, Stuff...ainsi qu'avec Sir Yes Sir)  à la basse et Pat Dorcean ( Zap Mama, Marc Moulin, Marc Lelangue, Milla Brune, Reggie Washington etc...) à la batterie, pas des toupies!
Le sax de Tintin Thys n'est pas banal non plus, il est électrifié, aux pieds du souffleur gisent moult effect pedals et, comme en hiver il ne fait pas torride, le maître a coiffé le pavillon de son instrument d'un chapeau bizarre, probablement emprunté à un derviche tourneur.
Pour agrémenter le tout TT manipule un sampleur produisant des oscillations pneumatiques.
Une première, ce soir, un invité, Niels Broos aux keys ( The Kyteman Orchestra, Swamb, le collectif Jam de la Crème...).

Le set est entamé avec 'Body Tropical' intitulé ' Tropical Body' sur le EP ' Abstracks'.
En décrivant la musique de  DERvISH, Toine cite Boards of Canada, Flying Lotus ou le dubstep comme points de repère.
Cette première composition funky/acid jazz/ fusion nous rappelle intensément les sonorités produites par un certain Herbie Hancock utilisant le keytar.
Les envolées du piano électrique nous renvoient à un autre sorcier de chez nous, le wizard du Fender Rhodes, Jozef Dumoulin.
Sur fond rythmique écumeux les tirades de sax électrique mugissent comme une guitare bourrée d'effets wah wah.
Ce jazz aventureux, casse-cou, obsédant est infiltré de brisures constantes auxquelles succèdent de nouveaux décollages t'emmenant dans un univers de groove électronique.
Morceau achevé le leader signale aux barmen qu'il ne serait peut-être pas con de faire taire la sono qui continuait à diffuser une muzak inaudible.
'Abstrackt Sherpa' , même esprit intrépide, même mix de fusion à la Weather Report et d'electronic jazz à la Amon Tobin.
Incroyable Dorcean passant du drumming traditionnel aux sonorités synthétiques du drumpad.
La mélopée africaine, triturée et émaillée d'éclaboussures futuristes, tient le public en haleine pendant une dizaine de minutes.
Attention titre explicite: 'Dub requiem' !
Le nerveux ' Sony Chan'  succède à ce midtempo moelleux.
Tu aimes le James Taylor Quartet, les Young Disciples, Chick Corea ou Fat Freddy's Drop, tu risques de craquer pour  DERvISH.

Pause de 15 minutes, second set débutant par 'Parc des Stars', une plage non reprise sur le EP.
C'est osé, on l'avoue, mais le jeu de Dries se rapproche des accès de folie d'un Jaco Pastorius.
Retour à l'album avec 'Bogda Bogda Bogdanov', du jazz cosmologique. Après une amorce posée, on a droit à des vibrations cyberpunk  sur fond de basse ronflante.
Ce titre plus concis est suivi par 'Fugu' truffé de blip blip blip dadaïstes.
Un changement de direction ( 'Viking 2')  transforme la composition en rondo débridé expirant sur fond de vrombissements et de souffleries industrielles.
On s'emmerde pas au Monk!
La dernière annonce Toine, ' Sangsu', une ultime invasion d'electronic groove suintant, t'invitant à la danse.

Voilà, nous étions DERvISH, le 14 nous nous produisons au Café Central.
Intervention de Teuk, nog eentje?
Ok, une amorce Bontempi annonçant une tirade funky bourrée de gimmicks futurologistes, peut-être une version alternative de 'Tropical Body'.