samedi 27 janvier 2024

Yotanka Records : 10 ans avec ATOEM • BIRRD • MESPARROW à Bonjour Minuit, Saint- Brieuc, le 26 janvier 2024

 Yotanka Records : 10 ans avec  ATOEM • BIRRD • MESPARROW à Bonjour Minuit, Saint- Brieuc, le 26 janvier 2024

michel

Tu veux du rock hors pistes: à Rennes, tu as Beast Records, à Nantes, c'est le label Yotanka qui fait les beaux jours de la scène indé.

Et cette belle maison d'édition fête ses 10 ans,  fin 2023, les festivités ont débuté le 3 novembre au Stereolux à Nantes , trois poulains de l'écurie (Saavan, H-Burns et Samba de la Muerte) se sont défoulés sur scène, puis c'est à Paris aux Trois Baudets que deux pouliches ( Elisapie et Mesparrow) ont ravi le public, lors des Bars en Trans à Rennes, la maison a envoyé plusieurs de ses agents divertir les locaux.  Fin janvier, c'est au tour de Bonjour Minuit de participer aux réjouissances avec trois fers de lance à l'affiche:  Atoem, Birrd et Mesparrow.

C'était pas la  grande foule à 21h pour accueillir Marion Gaume, alias Mesparrow, la cloche n'avait pas résonné au bar, sans doute, car après 10 minutes, la Grande Salle du complexe briochin grouillait de monde.

Il y a des moineaux à Tours?

Oui, Jules Moinaux, l'illustre écrivain, dramaturge et librettiste, à qui on doit 'Les Deux Aveugles', mis en musique par Jacques Offenbach.

Ce soir c'est un autre piaf qui va seriner de beaux airs pendant 40 minutes.

Marion Gaume,  qui connaît mieux la Loire que la Semois, évolue dans la sphère musicale depuis plus de 10 ans, on lui attribue un EP et trois full albums, le dernier 'Monde sensible' date de 2021.

Deux singles ont depuis vu le jour, ' La Vague' et 'Infinite".

Ce soir la chanteuse est accompagnée par Aune ( Simon Carbonnel) qui se charge de la partie musicale, en maniant, avec brio,  synthés, boîtes à rythmes,  looper et trompette .

Simon actionne les machines, Marion le suit, saisit un micro et halète avant d'entamer ' Poussière d'étoile' , un titre  intimiste, poétique  et sensible, prévu pour son quatrième album.

La voix est feutrée, la reverb lui donne un  caractère cosmique, accentué par  les sonorités  célestes,  confectionnées par Aune.

C'est beau, glisse la jeune personne se tenant à tes côtés.

  Sans savoir si elle s'adresse à toi ou s'il s'agit d'un dialogue intérieur, tu lui souris. 

Toujours prévu pour l'album à paraître en mars (' L'essence vagabonde'), le duo entame une seconde plage tout aussi fragile et troublante.

Une trompette, jouée en mode adagio, introduit le morceau alors que  les bandes diffusent un nocturne au piano, ténébreux, ... j'entends crier la terre...  formule la voix touchante de la Tourangelle, toi aussi tu sais que la terre souffre.

Un sifflement discret amorce la suivante,  'La Vague'.

Une vague qui n'atteindra pas 20 mètres de hauteur, elle sera ignorée par les surfeurs amateurs de  sensations fortes, par contre les âmes sensibles seront subjuguées par le ton lyrique et l'esthétique organique de cette symphonie électro. 

Elle bifurque vers l'anglais pour la suivante où elle nous suggère d'ôter le masque et de croire en nous, le titre plus dansant peut évoquer Yazoo et autres adeptes d'une synth pop éthérée.

La gestuelle théâtrale, parfois agitée, de l'interprète nous montre qu'elle intériorise sa musique.

Toujours en anglais, 'Infinite' , chanté 'une voix, déformée,  mise en boucle pour créer un effet choral,  captive l'oreille et le regard, car la chanteuse a entamé une danse reptilienne vénéneuse.

Une pirouette vers le vocable français et vers le plus ancien 'Elle rougit',  une  émouvante valse électro à rapprocher du monde d'Anne Sylvestre.

Ce set appréciable prend fin sur une berceuse magnifiant toutes les femmes, l'instrumentation est plus sobre avec en apothéose un solo de trompette romanesque. 

Birrd

Stefan Vogel ( Rouen),  vu en sortie de  résidence  à Bonjour Minuit,  le 21 octobre 2022, est un drôle d'oiseau, s'il possède deux ailes, son nom d'artiste, Birrd, s'écrit avec deux r's et pourtant il n'a rien de commun avec le juif errant, décrit par Eugène Sue.

Lors du filage de sortie de résidence, destiné à tester l 'EP 'Alba' sur scène, le public était réduit à une petite dizaine d'unités, déjà l'univers techno de l'alchimiste normand avait impressionné les auditeurs.

Ce soir, face à une salle bondée et bien  décidée à remuer sans discontinuer sur des sonorités EDM, devant la mener à la transe, Stefan et son outillage électronique hallucinant ( moog, synthés, oscillators, arpeggiators, samplers, keyboards, laptop....  sans oublier les jeux de lumière phénoménaux) a fait très fort, en balançant, sans entracte, les titres de son mix du jour (  probablement basé sur le futur album ' Alter Ego').

Birrd est désormais un nom incontournable de l'electronic music. Invité lors de l'Amsterdam Dance Event au Paradiso, ou à l'Eurosonic à Groningen, sans oublier sa performance  au Louvre lors de l'événement La Nuit des Choses ( il a sorti  un EP quatre titres, ' Nocturne Insolite'  , pour commémorer la prestation au musée), sa renommée a franchi les frontières européennes.

Le trip cosmique débute à 22:15 pour s'éteindre 50 minutes plus tard. Au cours du voyage,  l'auditeur est plongé au plus profond des océans , il peut admirer des récifs coralliens demeurés intacts, malgré une pollution alarmante, croiser  une faune piscicole étonnante, surplomber des abîmes vertigineux et faire la connaissance  de la ' Submarine Queen' ( jolie voix féminine en off).

Les nappes de synthé spongieuses font place à des beats puissants, quelques tonalités asiatiques transpercent de-ci, de-là, comme sur 'Void loop' , il suffit de se laisser envoûter et de balancer le crâne  au rythme des vagues.

De temps en temps le moog élabore des hachures bigarrées avant de laisser la place à un nouvel amalgame de beats addictifs, propices  à une rave party légale.

Autour de toi, l'auditoire vibre, tangue, sautille, zigzague,  ou dresse le poing haut dans les airs, chacun selon son humeur, un couple  a pris de l'avance sur le carnaval, lui a sorti un galurin, modèle Robin des Bois, mais rouge, elle a chaussé une paire de lunettes banane très seyante.

Plus circonspect, tu te contentes  de battre la tête en mesure ce qui a fait dire à Coralie.. c'est top, non, monsieur.

C'était effectivement bath, comme le disait ta grand-mère, une habituée  des thermes du Somerset.

Fin du show, on est tous priés de quitter la pièce pour installer le matos d'Atoem. 

Dans le hall, une notice: !!!! laser radiation, do not stare into beams....

Après 20' d'  attente les portes de la caverne s'ouvrent, sur scène un arsenal faramineux de machines:  synthés analogiques, synthés modulaires, 4 x plus grands que ceux de  Tom Geffray  et Alexis Delong, les musiciens de Zaho de Sagazan, sequencers, samplers,  panneau LED, barres destinées à recevoir les rayons laser, mais aussi une guitare et un drumpad.

Les laborantins de service ont pour nom Antoine Talon ( oublie Achille)  et Gabriel Renault ( 100% électrique), ils viennent de Rennes et sont considérés comme les apôtres bretons d'une musique où l'électro se marie avec le psychédélisme ( le nom Atoem  est inspiré par Atom Heart Mother du Floyd et par Atoum, une copine d'Isis) et quelques éléments synth wave, pris dans le sens large du terme.

Après avoir enregistré deux, trois EP's, le duo s'est fendu d'un premier album, 'Entropy', à l'automne 2023.

On avait oublié de mentionner qu'ils s'intéressaient à la physique ,  pas la gym ,  la thermodynamique.

Si  Birrd avait servi à  faire monter la température à 30°, le set d'Atoem a fait déborder la marmite, les hauts- fourneaux rennais  ne produisent pas d'émissions nocives mais dégagent un feu plus dévorant que toutes les flammes de l'enfer.

Comment décrire un set d'Atoem   par des mots?

Impossible, te glisse Fanny.

Elle a raison, une performance d'Atoem se ressent, se vit et après, si t'es pas mort, se digère.

L'excursion intersidérale démarre relativement flegmatiquement, Gabriel chantonne sur ' Sinking Ocean' qui présente effectivement quelques reflets Pink Floyd,.

Très vite les flots bouillonnent, de gros beats agitent les fonds marins, la guitare place quelques riffs meurtriers, t'as le temps d'applaudir pendant un bref blanc, mais sans prévenir ils ont embrayé sur une nouvelle séquence, pendant laquelle le chanteur se met à tabasser l'élément de batterie électronique.

Antoine, lui aussi, pousse une gueulante, un break tribal vient secouer le cocotier, puis un découpage psychédélique, tout en spirales, zèbre la plage,  c'est passager, de méchantes secousses sismiques font trembler le plancher, tandis que les rayons laser nous aveuglent.

C'est l'enfer, avance Dante, on va y rester.

Mais, non, des sonorités bizarroïdes  émanent,  on ne sait d'où, t'as l'impression que tes voisins, ayant entamé une danse robotique, ne sont plus des terriens mais des  humanoïdes créés par un Docteur Folamour maléfique.

Au plus on avance dans le set au plus  le rendu devient chaotique, t'as l'impression d'entendre un calque électro du concerto d'Aranjuez,  puis des crépitements singuliers embrasent l'atmosphère, suivis par une série de grondements assourdissants. On n'est plus à Saint-Brieuc mais à Reykjanes, où l'intense activité sismique a obligé la population à mettre le cap vers des terres moins  hostiles.

A Bonjour Minuit, tout le monde s'en fout si c'est l'apocalypse, alors, on danse...

Mais tout a une fin, le duo débranche les machines et salue une assistance qui refuse de les voir quitter le vaisseau spatial.

Il faudra un double rappel avant d'accepter leur sortie afin qu'ils puissent démonter leur bataclan et le caler dans leur Twingo.