mardi 27 août 2019

La Guilde des Mercenaires - Fiori Musicali- à La Roche-Jagu, Ploëzal, le 25 août 2019

La Guilde des MercenairesFiori Musicali- à La Roche-Jagu, Ploëzal, le 25 août 2019

En prélude au Festival de Lanvellec et du Trégor ( du 4 au 20 octobre) , le Domaine de La Roche-Jagu propose un récital en plein air de La Guilde des Mercenaires, baptisé 'Fiori Musicali' , coïncidant avec l'exposition 'Arte Botanica' se tenant dans le château et le parc du divin domaine.
En ce chaud dimanche, le public s'est déplacé en masse pour savourer un instant de grâce, offert par des musiciens et une chanteuse lyrique ayant décidé de nous replonger au début du seicento du côté de San Marco, c'était avant que Sheila et Ringo ne laissent les gondoles à Venise.
Après de brèves annonces des comités organisateurs, le micro est tendu vers Adrien Mabire, le leader de la formation.
Assisté de Marc Wolff, armé de son magnificent Tumiati archlute, du Brésilien Lucas Guimaraes Peres, qui a réussi à caser trois instruments de la famille des violes de gambe dans son petit sac de voyage, et de la merveilleuse Violaine Le Chenadec, qui s'est contentée d'un livret de partition, le cornettiste lève un voile sur le menu de l'après-midi.
Il ne sera pas rock'n'roll, nous goûterons à l'ornementation improvisée, aux canzone instrumentales, aux madrigaux classiques ou ornementés et à quelques exposés didactiques ne manquant pas de sel.
L'aubade débute par une double version de 'Canzon upra Suzanna'/ ' Suzanne un jour', la première admirablement chantée sur fond d'archi-luth et de viole de gambe, la seconde, instrumentale, tout aussi courtoise, une diminution de l'oeuvre originale, voit l'apparition du cornet à bouquin, précision du maître, bouquin  vient de l'italien bocca.
Nous tombons la veste et quittons Venise pour Rome pour y rencontrer  Girolamo Frescobaldi et interpréter sa Canzon seconda detta "La Bernardina".
Le cornet, le luth et la viole virevoltent, un merle ou un verdier arrête son chant et tend l'oreille, ta voisine, les paupières closes, se revoit jeune fille, tu te grattes la jambe, une fourmi séditieuse...
François Premier découvre la Renaissance en Italie, il invite les artistes de la botte à sa cour, notamment Benvenuto Cellini, le maître nous rappelle toutefois qu 'un bon nombre d'oeuvres françaises, ou flamandes, ont fait le chemin inverse.
Nous avons choisi de vous interpréter en fondu enchaîné   'Frisque et gaillart' de Jacob Clemens non Papa, au texte déluré,  puis l'adaptation italienne, instrumentale,  moins profane, de Giovanni Bassano.
Petit sermon, donc, les deux instruments insolites que je tiens à la main sont un cornet muet ( l'embouchure est taillée dans la masse)  et  un cornet à bouquin alto, légèrement courbe,  Marin Mersenne, qui n'a jamais navigué, mais qui en plus d' être philosophe et mathématicien, était compté comme un des plus grands théoriciens de la musique au 17è s, aurait, un jour, énoncé:
« Il est semblable à l'éclat d'un rayon de soleil qui paroist dans l'ombre ou dans les ténèbres lors qu'on l'entend parmy les voix dans les Églises, Cathédrales ou dans les Chapelles. ».
Pour faire simple on dira que le cornet à bouquin est  l' ornithorynque des hautbois, assure le chef avant de nous proposer la 'ricercata sesta' de Bassano pour  étayer son propos.
Second exposé, donné par Lucas, concernant ses violas. Ayant, comme Jeanne, la mémoire qui flanche, tu ne te souviens plus s'il s'agit du modèle pomposa, bastarda ou d' une viola de gamba dont tu peux voir un exemplaire joué par la fille de Louis XV sur un tableau de Jean-Marc Nattier.
Pour illustrer son propos,   le gambiste propose 'Passa Galli' de Giovanni Battista Vitali.
Un petit tour à la campagne avec  Giovanni Pierluigi da Palestrina?
Voici son 'Vestiva I Colli' devenu un madrigal instrumental dans l'adaptation de Francesco Rognoni.
Marc, à ton tour, explique...
Ben, j'utilise un archi-luth, un luth à long manche, l'ancêtre de la rhythm guitar, pouvant à l'occasion jouer les premiers rôles.
Restons guillerets avec ' Ung gay bergier' de Thomas Crecquillon. Violaine se mue en bergère, le rôle du pâtre étant tenu par Adrien Mabire.
Tu dis, Violaine?
...car tu n'as pas la lance qui me fault...
Si, si, j'ai la lance, mais mes feuillets s'envolent, oh, espiègle Zéphyr!
Bassano, encore lui, en a fait une version instrumentale, on vous l'interprète.
On enchaîne... pour luth et gamba, la  'Recercada Segunda' de Diego Ortiz.
'Ancor che col partire', le ..je vais et je viens entre tes reins... , de  Cipriano de Rore ( Cyprien de Rore,  si tu viens de Ronse) devient 'Angelus ad Pastores' dans le démarquage de Giovanni Battista Bovicelli, chantre à la cathédrale de Milan.
Le terme plagiat n'avais pas encore été inventé.
Il est temps de vous présenter le monstre, dixit Lucas, quinze cordes pour ce descendant de la lyre, le lirone, au timbre particulier évoquant à la fois l'aspirateur, le moustique ou la harpe, il remplace l'orgue pour les concerts en plein air, je l'utilise pour  'Une jeune fillette' de  Jehan Chardavoine.
Ce n'est pas  le lirone qui a impressionné l'assistance mais le chant d'une pureté céleste de la cantatrice.
Il nous reste une suite de trois canzone pour clore le concert: 'Canzon prima'  de Frescobaldi et deux pièces de Monteverdi , 'Ohimè, dov'è il mio ben'  tiré du settimo libro de madrigali et 'Quel Sguardo Sdegnosetto.

Bravissimo, un bis?
Perché no?
Le duo final de ' L'incoronazione di Poppea', l'opéra de Monteverdi, un Dallas avant la lettre, featuring Violaine en Poppée et Adrien en Néron.
Générique de fin!