dimanche 21 octobre 2018

La Gâpette dans Au Bistrot la Gâpette à Bleu Pluriel, Trégueux, le 20 octobre 2018.

La Gâpette dans Au Bistrot la Gâpette à Bleu Pluriel, Trégueux, le 20 octobre 2018.


Ce samedi se déroule 'Au Bistrot la Gâpette', un premier spectacle, affichant complet, dans le cadre du Festival Les Mots Dits se tenant dans le magnifique complexe Bleu Pluriel à Trégueux.
Le Festival se poursuit jusqu'au 9 novembre, le concert de Juliette, le 9/11, étant d'ores et déjà sold-out.
Le théâtre a été transformé en cabaret pour l'occasion, ambiance feutrée et lumières tamisées, chemin de table années charleston... il ne manquait que Henri de Toulouse-Lautrec et La Goulue pour s'imaginer être attablé au Moulin Rouge à la fin du 19è siècle.

Ce soir La Gâpette invite Trégueux au Bistrot de la Gâpette, un troquet ouvert en 1927 et tenu par une famille ( Les Cupif) aussi folklorique que les Groseille sévissant dans "La vie est un long fleuve tranquille", chez les Cupif on est barmanologue de père en fils ou en fille, en 2018 ils sont cinq à gérer le bastringue.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, deux ou trois mots concernant l'improbable décorum du bouchon,   en commençant par l'étonnante collection de récepteurs radio vintage, tu sais des postes de T S F aux noms prestigieux: Marconi, Gründig, Sonolor, Radiola ou Shaub, quelques patères archaïques sur lesquelles pendillent quatre ou cinq  couvre-chefs ayant appartenu à des dames pas toutes de petite vertu, un stock de bouteilles de pinard, passant de la piquette la plus immonde au grand cru déclassé, des cageots en bois devenus fort prisés ces derniers temps, un tableau indiquant le tarif des consommations et le comptoir!
Les protagonistes annoncés ( demande vérification) sont:  l'aîné, Lionel (  Rodolphe Cornier), Dédé, le boit-sans-soif  (Gaël Ros) , Michel, le roi du calembour (Jérémy Bachus)  , l'espiègle Bernadette (Hélène Provost) et le dur, le hargneux, Gégé, Gérard quoi, ( Pierre-Luc Martin).
La famille passe son temps à se chamailler, à picoler pas léger, à chanter et à faire de la musique. Lionel, le maître de chorale, manie guitare, trompette et piano, Bernadette a reçu un accordéon neuf, l'autre a été vendu sur Ebay, Michel tambourine et joue du sax,   Dédé boit et joue de la contrebasse, quant au sorteur, il malmène un banjo, une guitare électrique et un sax.

Après une courte introduction énoncée par un responsable du centre culturel, le pancarte du bistrot se retourne, de fermé elle passe à ouvert.
Dédé et Michel, deux membres de la fratrie,  se payent une entrée en scène vaudevillesque, Bernadette, plus souriante que la Soubirou, rapplique, suivie par un athlète à l'oeil mauvais.
Dédé, on joue?
L'accordéon, la contrebasse et le banjo s'y mettent quand surgit le patron, de méchante humeur.
Après quelques palabres il déclare le bistrot ouvert et pendant près de 90' les clients/spectateurs vont s'esclaffer, verser une larme, réfléchir en écoutant les ragots de comptoir, les complaintes nostalgiques, les querelles domestiques, les bons mots et les misères narrées par la joyeuse bande de bérets, gérant ce débit de boisson à l'ancienne.
La confession ' Le barmanologue' , un extrait de  leur premier album, 'Keep on musettin', ouvre le bal.
Entre musette, musique festive et chanson à texte, le quintet a d'emblée refilé sa carte de visite, la clientèle a saisi que la soirée sera  animée et tonifiante.
Il y avait un chaland, on l'appelait le chat, non ce n'était pas Geluck, il n'avait pas toujours le moral, la solitude, ça pèse, comme une épée de Damoclès,  'Un peu comme les chats'  décrit son état d'esprit.
Dédé, on oublie les rituels, je n'ai pas eu mon coup de blanc, après le Muscadet vient la ballade dépeignant le déclin des facultés cognitives, la terrible maladie d'Alzheimer.
Le ton utilisé pour 'Les deux mémoires' est juste et propice à la réflexion.
On a tous connu quelqu'un atteint de la  maladie neurodégénérative, dans la salle tu en as vu  verser une larme pour ensuite se consoler en vidant un ballon de rouge, d'un trait.
Pour oublier l'hôpital, la troupe nous propose un interlude instrumental dominé par les cuivres avant que les garçons ne se foutent, pas vraiment complaisamment, de leur soeurette, quelques remarques sexistes comme tu en entends dans tous les cafés du sport fusent , Bernadette en profite pour placer une tirade assassine avec une gouaille toute gavroche...je vais le tuer, il a vendu mon accordéon sur Ebay...
Le vin continue à couler à grands flots, après avoir fait un sort à un Château La Pompe, vieilli en fûts de chêne, la joyeuse bande propose ' La Fuite' décrivant un quidam souffrant de  skyzophrénuit, il ne dort plus, il boit, la nuit, il la fuit, le final chaotique tiendra plus du noise rock que de la java.
Flashback, un fameux plongeon dans le passé, les ' boeufs' chez Mamie, à l'époque on jouait en acoustique, la contrebasse, la guitare sèche et l'accordéon nous balancent une musette décorée de quelques vocalises, puis le farfelu Michel se pointe pour annoncer qu'il préfère le swing et c'est parti pour un jazz manouche au texte acrobatique. Les incongruités se succèdent dans ' Au bistrot des comptines' , Trégueux vous faites les choeurs.... le plus venimeux pointe un doigt dans ta direction, semblant signifier et toi, pourquoi ne chantes-tu pas, de peur de le voir descendre du podium, t'as fait du playback, il n'y a vu que du feu et t'a fait un clin d'oeil, pendant ce temps Lionel se paye un duckwalk à rendre jaloux Chuck Berry.
Dites donc les gars, je pensais à une chose, nous n'avons pas encore bu un coup...
Hilarité générale, avant une séquence a capella en hommage à tous les politiciens, ' Polis P'tits Chiens', des braves gens qui avant les élections vont au marché acheter une tranche de jambon et quand le pays est en finale de la coupe du monde, ce sont eux qui gueulent le plus fort, même si ils n'ont aucune idée de ce que c'est le hors-jeu!
Tu vois le verre de  Chambolle-Musigny imposant qui  trône sur la table là-bas, c'est celui de Gilbert, personne n'a le droit d'y toucher.
Gilbert, c'était un travailleur social, il n'a plus supporté toute la misère qu'il rencontrait quotidiennement, il est devenu schizo-alcoolo, on vous chante son blues, sa rage refoulée qui éclate sur un final rock'n'roll explosif.
Ce monde est pourri, conclut Gilbert!

Mesdames, Messieurs, on n'a jamais bouclé le bistrot sur une larme, alors santé!
On ferme, déclare le sorteur en repoussant le dernier ivrogne !
Evidemment, la salle les rappelle, ils reviendront pour les remerciements d'usage et un dernier salut, le dernier pour la route se prendra au bar de Bleu Pluriel.