Diversion
 #1 Espace Lamenais-Saint Brieuc- 12/03/2020 
 Bonjour Minuit et le Cri de l'Ormeau ont décidé de faire diversion ce 
soir dans l'ex- chapelle Lamenais rebaptisée 'Espace'. 
Elle avait déjà 
accueilli l'expo photo reporters courant 2019 en nous laissant une belle
 impression mais quelle riche idée (lancée par Marc Aumont du Cri et 
soutenue par Hélène à Bonjour Minuit) d'y inviter ce soir Quentin Sauvé 
et Brieg Guerveno.
Sous les vitraux, l'endroit se prête, en effet, à une ambiance 
d'intériorisation teintée de mystique.
 L'affluence semble tout à fait correcte compte-tenu de la grosse 
concurrence du show Corona Virus. Un peu plus de 80 personnes flânent du
 bar à la scène et de la scène au food truck (non ce n'est pas un 
dernier repas!) avec la bénédiction des organisateurs. 
Le Lavallois Quentin Sauvé commence sans bruit par son morceau 'Dead 
end' qui nous met de suite dans le (grand) bain. Malgré le thème peu 
souriant, ce morceau lumineux nous touche par sa délicatesse.
 Le musicien, filiforme, porte une fine moustache de mousquetaire et c'en 
est un! 
Une fine lame à la fois tranchante et subtile.
 L'homme est sensible et sa voix haute et fragile chante la complexité de
 la vie. 
 Verre à moitié vide plutôt qu'à moitié plein (Half empty glass). 
Habillée d'arpèges, sa guitare décrit de jolies mélodies par des volutes
 qui partent en fumée et en boucles ...d'oreille. 
Et quand il se tourne vers son clavier, c'est pour en tirer des sons 
déchirants.
 Il finit par 'disappear' flottant dans la mélancolie jusqu'aux 
déchirements criés, cette fois, par une guitare à la Peter Hammill, 
disappear, disappear, disapp.... 
On vient de rencontrer un personnage attachant, tout en émotions qui 
nous retournent le coeur. 
Brieg Guerveno, le Briochin, on le connaît et on l'apprécie avec son 
folk métal, progressif, tortueux et orageux chanté en breton (chapeau!).
 Je ne comprends pas le breton mais je le suis et je ressens, au plus 
profond, les embruns, les vagues et les marées du pays, dans cette 
musique.
 Cette année, Brieg revient assagi (?) avec un nouveau style épuré 
(certains disent plus abouti, pourquoi l'épure est-elle un 
aboutissement? Vous avez 4 h !). 
Sur ses anciens morceaux, on peut déjà 
trouver, derrière le gros son, des moments d'accalmie qui annoncent la 
suite. 
Même s'ils ont chacun leur propre personnalité, on pourrait faire le 
parallèle avec Klone ('An Treizh' étant de plus écrit avec 2 d'entre eux
 qui ont participé au disque).
 C'est avec une formation étoffée qu'il présente aujourd'hui la 1ère 
version live de sa dernière œuvre et on sent comme une petite tension 
qui conduira à une prestation d'une grande beauté avec des musiciens 
d'envergure :
Stéphane Kerihuel (compagnon sur les concerts de Nolwenn Korbell) à la 
guitare,
Bahia El Bacha et Juliette Divry aux violoncelles,
Camille Goellaen, (le jeune rocker 70's Paimpolais) aux claviers, 
Loeiza Bauvir aux chœurs.
 Loin de ses fulgurances et sa grandiloquence photoscéniques habituelles,
 Camille reste appliqué et juste, souvent complice de Brieg à l'intro 
des morceaux ('Vel Pa Vefemp, l'instru 'Litoriennig' qui conserve des 
traces de progressif). 
Brieg nous transporte sur sa guitare de l'ombre à
 la lumière, avec ses mélodies si personnelles. 
Sa voix a pris beaucoup 
d'assurance au fil des ans, tout en douceur, sans forcer, elle nous 
berce.
 Au fond de la scène, Loeiza, cachée dans la lumière, tisse une 
toile où se posent les intonations de Brieg.
 Les violoncelles peignent une couleur mélancolique mais chatoyante. 
Bahia et Juliette zèbrent leurs cordes et font trembler leurs mains 
comme l'émotion dégagée. 
Assis sur une chaise, Stéphane captive. 
Immergé, il ferme les yeux et 
vit intensément ces instants, pinçant avec parcimonie les cordes de sa 
guitare, discret et en même temps si présent. 
On sent une osmose entre les musiciens, chacun jouant avec sobriété et 
laissant la place aux autres et finalement... c'est une grande puissance
 qui s'en dégage. 
22h50, c'est déjà la fin ! 
'Le répertoire n'est pas ouf', annonce Brieg 
avec pudeur. 
Peu de titres sans doute mais quelle interprétation! 
On peut refaire un morceau déjà joué (le magnifique 'Petra zo Bet' je 
crois). Oui ENCORE!
 Le froid qui s'engouffrait par une porte entrouverte ne nous a pas 
empêchés de sentir la chaleur de cette musique. 
Le brouhaha du bar ne nous a pas plus empêchés de communier avec les 
musiciens.
Leur sincérité s'exprime de façon tellement perceptible qu'on ne peut 
qu'adhérer et partager le même langage (breton ou pas).
'Vel ma vin', 'comme je serai'... tu es déjà Brieg!
 ON EN REVEUT ET PAS EN REVE
